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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/668

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pour la volonté des Puissances. Ces déclarations eurent pour effet, sinon de modifier de tout point les idées du chef du Foreign Office, du moins de le rendre plus traitable. Après s’être recueilli un instant, il répondit à Alecsandri que l’Angleterre, pays de liberté, ne pouvait pas empêcher les autres pays de se développer librement ; qu’il n’entrait pas dans les vues du gouvernement anglais de combattre les aspirations du peuple roumain, et que si réellement le choix du prince Couza n’avait été fait qu’en vue de la prospérité intérieure des Principautés, ce choix ne rencontrerait plus, au sein d’une prochaine Conférence, l’opposition irréductible de l’Angleterre. C’était plus que n’avait espéré et que ne pouvait souhaiter l’habile négociateur, qui, une fois de plus, avait bien mérité de sa patrie.

A peine est-il besoin d’ajouter que sa mission à Turin fut couronnée d’un plein succès, et que Victor-Emmanuel, ainsi que le comte de Cavour, le reçurent avec une gracieuseté toute particulière. On était à la veille de la campagne d’Italie ; l’idée d’un prochain mouvement national et unitaire avait gagné tous les esprits, et la récente union des Principautés ne pouvait que rencontrer l’approbation unanime d’un peuple et d’un gouvernement qui aspiraient eux-mêmes à suivre le plus tôt possible l’exemple donné par les Roumains. « Je vous féliciterais volontiers de l’acte patriotique que vous venez d’accomplir chez vous, — avait dit le comte de Cavour à l’envoyé du prince Couza, — si je ne savais que toute félicitation est superflue lorsqu’un peuple fait noblement son devoir. Les Roumains, ces frères des Italiens, ont donné un admirable exemple d’union, que nous sommes prêts à imiter… »


VI

Le succès de la triple mission d’Alecsandri avait justifié amplement la confiance de son souverain. Il aurait pu, dès lors, jouer en Roumanie un rôle politique de plus en plus important ; mais il n’était pas ambitieux ; il l’avait prouvé en refusant, en 1859, la candidature au trône de Moldavie, et en faisant reporter sur son camarade d’enfance, le colonel Couza, les voix dont il était assuré. Il préféra reprendre paisiblement le cours interrompu de ses travaux poétiques et borna toute son ambition à enrichir de nouveaux chefs-d’œuvre la littérature de son pays. Il