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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/709

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dans la sienne, par son mérite. Des propos de Jossan, qui me semble bien s’être renseigné auprès de M. Capus, on extrairait sans peine une « morale du bonheur » qui n’est pas du tout immorale. « Voyez-vous, dit-il, il faut être de bonne humeur ! » Est-ce le Gaudeamus igitur de l’épicurisme, le frivole conseil de prendre la vie par le bon côté ? Oh ! que non pas ! Mais c’est un acte de foi dans l’activité libre, généreuse et joyeuse. « Nous sommes presque tous courbés et résignés. Nous sentons les drames rôder autour de nous et nous avons peur d’avance. Si nous leur montrions des figures souriantes et des gestes résolus, ils n’oseraient peut-être pas entrer. Oh ! évidemment, ce n’est pas un moyen infaillible… Mais j’ai la conviction tout de même que souvent, avec presque rien, un peu d’énergie, de confiance, de gaieté, on met en fuite des catastrophes. » L’énergie qui est la santé morale engendre la joie, comme la seule jouissance de la santé physique entretient en nous l’impression du bien-être. Pareillement, elle nous conduit à la bonté ; car si la bonté ne se confond pas avec l’énergie, du moins est-il vrai qu’une bonté faite de complaisance, d’humeur facile et peut-être de faiblesse ne mérite pas un si beau nom. « Nous avons affaire à des méchans et à des imbéciles ; les méchans et les imbéciles sont dangereux, mais ils ne le sont pas longtemps. Ils foncent sur vous, mais si on leur résiste, ils s’enfuient. Car ils n’ont pas de volonté, ils n’ont que de la violence. » La vie est-elle bonne ? est-elle mauvaise ? L’une et l’autre de ces interprétations, dans son absolu, est dépourvue de toute espèce de sens. Mais il est vrai qu’on peut attendre beaucoup de la vie, si on va au-devant d’elle avec confiance, avec franchise et droiture, avec courage et bonté.

Certes, on n’est jamais sûr d’être à l’abri de la souffrance, pas plus qu’on n’est sûr de ne pas succomber dans un accident de chemin de fer ou sous la chute d’un tuyau de cheminée. Il restera toujours une part, si faible soit-elle, à la mauvaise chance. Dans l’Adversaire, Maurice est pour sa femme, qui l’a épousé par amour, un excellent mari. Séduisant, spirituel, riche, et avec cela fidèle, c’est la perle des maris, l’oiseau rare, le mari dont on rêve et qu’on ferait faire exprès. Marianne le trompe. Je ne suis guère d’avis qu’il faille voir dans cette mésaventure un épisode de l’éternelle lutte des sexes et de cette hostilité sourde, obscure, qui continue de faire de la femme et de l’homme deux adversaires, sinon deux ennemis. La réalité est beaucoup plus simple. Un honnête homme peut avoir épousé une femme indigne de lui ; cela s’est vu, et se reverra, n’en doutons pas. Quand il se trouve en présence de cette situation, le