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ou quatre fois le globe terrestre, que l’on s’est heurté à toutes les races, à tous les peuples, on ne fait plus le malin, on devient très simple, très obéissant aux leçons de la nature. Ce n’est pas des leçons d’anarchie que l’on a prises, mais des leçons d’ordre. » Il est le bon colonial, dédaigneux des timidités et des mesquineries de notre continent, représentant de la force et de la loyauté, jouant ce rôle que jadis on confiait à l’Américain, et que nous aimons tout de même mieux voir jouer à un compatriote revenu de voyage.

Le fait est qu’Etienne arrive à temps et que les choses étaient en train de se gâter sur le continent. Le cousin Jacques est un faible, un maladroit et un dissimulé. Mis à la tête de l’usine, il l’a tout de suite mise en péril. Afin de rattraper d’un coup tout l’argent perdu, il a joué à la Bourse. Il a achevé de s’y ruiner. Pour sauver l’usine, il faudrait, et immédiatement, une grosse somme que refusent, comme il est juste, tous les financiers. Un seul homme peut apporter ces capitaux introuvables : Etienne. Sera-t-il le sauveur ? Oui, s’il est aimé de Geneviève, sa petite cousine qu’il a laissée enfant, qu’il retrouve jeune fille, et dont il s’est épris soudain, comme un sauvage enivré par le parfum de cette jolie fleur de civilisation.

Seulement, Geneviève est à la veille d’épouser Varèze, un jeune parlementaire du bois dont on fait les ministres. Désolé, Etienne refuse le secours demandé. Tant pis pour ces imbéciles ! Jacques, acculé à la faillite, prend un parti : le suicide. Mais il appartient à cette catégorie de suicidés qui s’arrangent pour que la nouvelle de leur suicide s’ébruite avant l’événement… Geneviève, affolée à la pensée que ce précieux beau-frère pourrait attenter à ses jours, fait appeler Etienne. M. Capus a coutume de placer au centre de ses comédies une scène maîtresse qui en résume toute la signification, qui en exprimeront le pathétique. C’est dans l’Adversaire la scène de Maurice et de Marianne, dans les Deux hommes, celle de Mme Champlin et de son mari. La scène très vigoureuse qui met aux prises Geneviève et Etienne en est le pendant. Nous y assistons à toutes les péripéties du drame que se livrent, dans la conscience d’Etienne, la colère, la pitié, le désir de vengeance, et mêlé à tous ces sentimens, et plus fort qu’eux tous, l’amour. L’issue d’ailleurs ne peut être douteuse. Etienne fera le geste qu’il faut pour rappeler à la vie tous ces désespérés. Il va sans dire que finalement il sera récompensé. Mais il a fait ce qu’il fallait pour cela. Il y a mis le prix. Lui, il avait droit au bonheur.

Parti de la comédie rosse qui ne met en scène que des fripons, et