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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/730

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où les divisionnaires y marchent. Il ressentit violemment cet ostracisme. « Si je meurs d’une maladie de cœur, écrit-il le 21 juillet, l’origine en sera là, car je refoule énergiquement le torrent de sentimens qui remplissent mon âme. »

Cousin-Montauban fut déçu lui aussi de n’avoir pas un commandement actif. Il ne cacha pas son mécontentement : « La camarilla redoute ma concurrence à l’armée, là où la faveur du maître est obligée de s’arrêter devant les services rendus. Malgré l’opinion publique, malgré le désir de l’armée, je suis condamné à un rôle inactif, tandis que des généraux dont le nom n’est précédé d’aucun fait d’armes reçoivent des commandemens en chef. Après m’avoir refusé le bâton de maréchal pour le donner à Le Bœuf, on veut me mettre dans l’impossibilité de le conquérir par de nouveaux services. » (18 juillet.) Ces plaintes étaient fondées. Trochu et Cousin-Montauban méritaient plus que Failly et Frossard d’être placés en tête dans les corps de première ligne.

Canrobert n’eut pas un moindre déplaisir. Ses exigences n’étaient pas aisées à satisfaire. A l’Impératrice le félicitant de sa nomination à Lyon il avait répondu : « Un maréchal de France, c’est si gros, si gros, qu’à Lyon, madame, je me considère comme une baleine nageant dans un ruisseau. » Nommé à Paris au commandement du 1er corps d’armée (21 juin 1865), il n’avait eu qu’une part très secondaire ou plutôt nulle aux travaux de la réorganisation militaire. Le commandement du corps de réserve lui parut une diminution : on eût dû le placer au premier rang en avant et non en arrière. Ce sentiment honorable n’était point juste, car étant donné l’infériorité numérique de notre armée, il était certain que le corps de réserve serait promptement appelé en première ligne à jouer un rôle important. Quoi qu’il en soit, de ce jour il voua à l’Empereur une rancune sourde, qui l’eût poussé peut-être à quelque éclat s’il n’avait été contenu par l’influence de sa charmante et noble femme complètement dévouée aux souverains. Il éprouva une autre contrariété. Sans consulter ses convenances, on lui envoya, comme chef d’état-major, un général Henry qui lui déplaisait. Un tel procédé qui, du reste, ne fut pas spécial à Canrobert, était abusif : un chef d’état-major est un confident de son général, un auxiliaire de confiance ; il doit être désigné par lui, et non imposé par le ministre.