Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait écrit la veille au Conseil des Ministres : « De mon libre mouvement, et sous l’inspiration de ma conscience, je vous demande avec instance d’empêcher toutes les exécutions, soit de blessés, soit de prisonniers. Ces exécutions soulèvent de grandes colères à Paris et peuvent y produire de terribles représailles. Ainsi, l’on est résolu, à chaque nouvelle exécution, d’en ordonner trois des nombreux otages que l’on a entre les mains. Jugez à quel point ce que je vous demande comme prêtre est d’une rigoureuse nécessité. » M. l’abbé Deguerry ajoutait aussi en post-scriptum qu’il avait écrit cette lettre sans aucune pression et de son libre mouvement.

Lorsque M. l’abbé Lagarde fut chargé par l’archevêque de Paris, le 13 avril, de porter de sa part en négociateur à M. Thiers une lettre ouverte au sujet de l’échange de quelques otages contre Blanqui, il ne sut rien des lettres des 7 et 8 avril signées par Mgr Darboy et par l’abbé Deguerry et remises à Dacosta, membre de la Commune, lequel les avait données à l’abbé Ber-taux, curé de Montmartre, alors détenu au Dépôt. Celui-ci s’était engagé à les porter à M. Thiers et à revenir avec la réponse, ce qu’il fit. L’archevêque ne connaissait pas la mission de M. Bertaux et ne savait pas qu’avant la remise de ces lettres au chef du pouvoir exécutif, elles devaient paraître dans le journal révolutionnaire l’Affranchi, comme pour certifier publiquement l’exactitude des accusations de la Commune, c’est-à-dire les actes barbares et les excès commis par les troupes de Versailles. Les deux post-scriptum, presque identiques, comme le fait remarquer M. Gautherot, prouvaient que les délégués de la Commune avaient insisté auprès des prisonniers pour faire croire qu’ils n’avaient été l’objet d’aucune pression. Ces lettres, dont l’intention était excellente sans doute, mais la rédaction déplorable, puisqu’elle visait des faits inexacts, furent remises le 14 à M. Thiers, au moment où tout le monde les lisait dans l’Affranchi. Elles devaient avoir les conséquences les plus fâcheuses.

La veille, le Jeudi-Saint 13, à une heure de l’après-midi, M. Lagarde, arrivé à Versailles, remettait à M. Thiers la lettre suivante de l’archevêque de Paris, datée du 12 avril :


« Monsieur le Président,

« J’ai l’honneur de vous soumettre une communication que j’ai reçue hier au soir et je vous prie d’y donner la suite que