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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/861

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Il chasse son médecin Renaud Fréron, dont les prescriptions lui sont insupportables. Au savant docteur en théologie, Benoît Gentien, religieux de Saint-Denis, qui lui présente, en s’appuyant sur des « raisons solides, » « et des exemples, » de respectueuses remontrances sur son goût excessif pour les tournois, il répond : « J’ai à cœur d’échapper à l’oisiveté et de consacrer ma vie à de nobles actions. Tel est le rôle qui convient à la Majesté Royale ; et, comme mon intention est de suivre désormais cette ligne de conduite, je trouve fort mauvais qu’on vienne ici me donner des leçons. Voilà ma réponse formelle. Qu’on se le tienne pour dit. » Le tournoi eut donc lieu… » (Religieux de Saint-Denis.)

De même, lorsqu’en 1408 un moine audacieux, nommé Jacques Legrand, dans un sermon devant la Cour, reproche à la Reine ses débauches, le Roi prend fait et cause pour lui, résolument. « La déesse Vénus règne seule à votre cour, s’était écrié le capucin. Partout, noble Reine, on parle de vos désordres. » « Ce langage, écrit le Religieux, fut loin de plaire à la Reine. Un de ses familiers dit avec humeur : « Si l’on m’en croyait, on jetterait à l’eau ce misérable ! » Quelques courtisans, afin d’attirer sur lui la colère du Roi, allèrent lui raconter que le moine Augustin avait parlé de la Reine dans les termes les plus offensans. Le Roi en témoigna, au contraire, beaucoup de satisfaction. Il désira même l’entendre… Ce jour-là, donc, le religieux prêcha en présence du Roi… A peine le Roi l’eut-il entendu, qu’il se leva et vint se placer en face du religieux. Tout autre eût été intimidé par la vue d’un si grand prince, mais lui n’en montra que plus de résolution… Le Roi applaudit à sa franchise, et, contre l’attente des gens de cour, il le prit sous sa protection et résolut de mettre un terme aux excès qu’il avait signalés. Mais il ne put accomplir cette résolution : il éprouva une rechute le 9 juin, et resta malade jusqu’à la fin de juillet. »

Les actes qui témoignent de la lucidité du Roi sont aussi fréquens dans les dernières années de sa vie qu’au commencement de sa folie. En 1412, en 1414, en 1417, après dix, douze et quinze ans d’aliénation, on le voit partir pour la guerre, assister aux sièges, à Melun, à Compiègne, à Troyes. C’est en 1420 qu’il reçoit le roi d’Angleterre. Un texte d’archives le montre jouant à la paume dans le bois de Vincennes, trois mois avant sa mort.

C’est le 21 octobre 1422 que le Roi mourut, à l’Hôtel