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L’eumène embellit son dôme de noyaux de quartz translucide, comme animé par le sentiment du beau. Enfin l’insecte est férocement égoïste et ignore la pitié envers « un estropié ; parfois des passans de la même race accourent pour le dévorer. »

Venons-en à un domaine sentimental plus difficile à interpréter avec nos lumières. C’est d’abord un développement extrême des mœurs cannibales, qui apparaissent, en général, pendant ou après la pariade ou la période du rut. Chez le carabe doré, quand les femelles sont assouvies de pariades, elles dévorent les mâles. Cette mortelle aversion existe même chez des végétariens, par exemple chez le grillon. Après la cohabitation avec la femelle, le grillon mâle est battu, estropié. Cela donne à réfléchir. Chez la mante religieuse, au moment où les ovaires mûrissent, les femelles s’entre-dévorent. Après ou pendant la pariade, le mâle est dévoré. Une femelle a dévoré ainsi jusqu’à sept mâles qui avaient été successivement agréés. Des mœurs analogues existent chez les larves. Plusieurs œufs de leucospis peuvent être pondus dans une même cellule de chalicodome ; or la première née des larves dévore tous les œufs restans. Ici c’est parce qu’il n’y a de nourriture que pour une seule. Quand on met en présence deux larves de staphylin odorant, il y a prise corps à corps ; l’une d’elles est bientôt saisie par la nuque et le vainqueur fait curée de l’occis.

Un autre état d’âme surprenant, particulier à l’insecte, est l’indifférence de la victime vis-à-vis de son ennemi, son ignorance u danger. Elle laisse faire sans résistance, comme sans comprendre ce qui l’attend. L’abeille, victime du philanthe, est insouciante du danger qu’elle court ; elle ne songe pas à la fuite, et ne montre aucune inquiétude aux approches du ravisseur. Quelques-unes mêmes vont au-devant de lui. Lorsque le pompile attaque la lycose, celle-ci se jette sur lui, elle le mordille ; mais, chose étrange, l’autre sort indemne de la bourrade. Ainsi, en péril mortel, la lycose ne peut se décider à mordre, même si l’ennemi descend dans son puits.

Dans les cas de parasitisme, cette indifférence de la victime, sa résignation, sont constantes ; et cela nous choque ; nous ne comprenons pas. Le bembex va jusqu’à nourrir ses parasites. Chez l’halicte, le sentiment du danger vis-à-vis de son diptère parasite est absolument nul. L’halicte a un terrier ; le diptère s’abat près de l’entrée quand elle y entre ; et là, il attend sa