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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/913

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netteté d’esprit ; pondération ; sûreté de caractère ; extrême défiance ; goût infini de la beauté ; belle imagination ; instincts voluptueux assez prononcés. Rien de plus. Je me flatte d’être graphologue ; mais dans mon écriture on doit lire : graphologue très réservé. — Un bon graphologue de mes amis, en qui j’ai beaucoup de confiance et à qui je soumets l’autographe de Racine, le lit ainsi : « Écriture idéaliste ; beaucoup d’intelligence et de goût ; écriture surtout intellectuelle ; énergie, volonté ; pas d’esprit de contradiction ; facilité d’élocution ; causticité ; imagination, mais point déréglée, ne nuisant pas au jugement ; logique ; équilibre heureux de l’imagination et de la logique ; pas d’esprit de domination ; franchise ; intuitivité, simplicité, point d’orgueil de comparaison ; penchant à l’affection ; heureux équilibre d’intuitivité et de logique ; prudence ; ne se livre pas. » Ce diagnostic est analogue au mien, quoique entrant dans un plus grand détail.

Comment M. Forestier prouve-t-il encore sa thèse ou une de ses thèses, ou les deux ? Par les témoignages des contemporains. Or les voici. Saint-Simon : « C’était un honnête homme, » Sévigné : « Il aime Dieu comme il a aimé ses maîtresses… Il aime à pleurer. » Spanheim, ambassadeur de Brandebourg (résumé) : « a réussi, est mêlé aux intrigues, joue le personnage qu’il veut, surtout celui de dévot. » Primi Visconti : « très pédant. » Dangeau : « l’homme de la cour qui avait le plus d’esprit. » Valincour : « Il était plein de passion. » Fontenelle : « Boileau dévot et méchant, Racine plus dévot et plus méchant. » La Bruyère : « Corneille plus moral, Racine plus naturel. » Boileau : « Jaloux, inquiet, railleur, voluptueux,… bel esprit. »

De ces textes discordans comme toujours, mais plus favorables en somme que défavorables à Racine, comment tirer le tigre royal ou le renard, Rastignac ou le Père Grandet ? Par le système d’interprétation des textes que vous allez voir. « Bel esprit veut dire un pédant, un fat fort adroit. » Or bel esprit au XVIIe siècle veut dire esprit distingué, esprit rare et toujours dans le sens très favorable.

Dangeau déclare que Racine était l’homme de Cour qui avait le plus d’esprit ; donc Racine était sans âme, car Dangeau « ne dit pas un mot de son cœur ni de son caractère. »

La Bruyère dit que Racine est plus naturel que Corneille ; or naturel veut dire naturaliste, « or, un écrivain réaliste et