Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

printemps de 1908 dans la région de Parme, et pendant quelque temps menaça de s’étendre à d’autres provinces de l’Italie. À l’instigation de quelques meneurs syndicalistes, les paysans du Parmesan avaient brusquement cessé tout travail : les récoltes prochaines étaient perdues ; dans les étables, le bétail languissait, affamé. Les paysans des provinces voisines s’étaient solidarisés plus ou moins spontanément avec les grévistes ; le gouvernement persistait à considérer la grève comme le résultat normal d’une crise économique, et refusait d’intervenir. On vit alors se produire un fait inouï : les jeunes gens de l’aristocratie et de la bourgeoisie, des étudians, des avocats, des ingénieurs accoururent de Parme et des villes voisines et se mirent à la disposition des propriétaires : grâce à l’action disciplinée et énergique de ces volontaires, les étables furent évacuées, le bétail conduit en lieu sûr ; les métayers et les paysans qui avaient participé au mouvement se laissèrent expulser sans résistance. Les propriétaires subirent des pertes énormes, mais ils eurent le dernier mot.

Cette victoire, qui eut un grand retentissement dans toute l’Italie, fut pour les associations de propriétaires le signal de la résurrection. Elles se constituèrent sur de nouvelles bases et s’unirent entre elles par un lien analogue à celui qui établit entre les Chambres du Travail une fédération. Les propriétaires et les fermiers-généraux (affittuari) se groupent, tantôt par commune, tantôt par province. Chacun paye, pour les terres qu’il possède en propriété ou en location, une contribution proportionnée à leur étendue et à leur qualité ; il y a deux tarifs, dont l’un s’applique aux terrains bonifiés, l’autre aux terrains de culture extensive. En cas de grève ou de conflit, tous les sociétaires sont tenus de se conformer aux directions données par le conseil de l’Association. De plus, les unions de propriétaires se sont substituées aux comices agricoles, en tout ce qui concerne le renouvellement et la modification des contrats de métayage, la discussion des tarifs avec les Chambres du Travail : ainsi les besoins de leur commune défense ont amené les propriétaires fonciers à réaliser eux-mêmes, dans une certaine mesure, cette unification que les lois n’avaient jamais pu imposer. Chaque Associazione Agraria, — c’est le nom des unions de propriétaires, — se dirige et s’administre d’une manière indépendante et autonome : mais toutes les Agrarie d’Italie sont réunies