Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soupirant. « Il a reçu l’avoine, » c’est dire d’un jeune homme qu’il a été refusé. Si celui-ci n’a pas l’air de comprendre, s’il ne se retire pas tout de suite, la cruelle tourne vers lui le bout non allumé d’un tison. Dans la petite vallée de Feurs (Basses-Alpes), les fiançailles précèdent le mariage de quinze jours. Les deux familles se réunissent vers minuit au domicile de la prétendue. De part et d’autre, on fait la demande, la future est conduite ensuite par son plus proche parent dans un appartement où elle est rejointe par le futur. Tous deux restent seuls un instant, puis viennent retrouver l’assemblée dont ils embrassent tous les membres en donnant à chacun le titre de parenté que le mariage va établir entre lui et eux. Ensuite, ils se fiancent en présence des assistans qui proclament aussitôt l’événement dont la nouvelle est accueillie au dehors par des détonations d’armes à feu. On n’aurait pas fini si l’on voulait relever les coutumes populaires qui se rattachaient aux préliminaires du mariage, et alors ce ne serait pas un chapitre d’histoire morale et sociale qu’on composerait, mais un répertoire de folklore.

Le concile de Trente n’avait pas fait de la publication des bans une condition essentielle de validité. L’Eglise en accordait même facilement la dispense partielle ou totale dans un intérêt dont l’ordinaire était juge. La législation et la jurisprudence civiles se montrèrent plus rigoureuses. L’ordonnance de 1579 considérait comme non valablement contractés les mariages qui n’avaient pas été précédés de cette publicité et prenait des précautions contre l’abus des dispenses. La déclaration du 26 novembre 1639 confirmait l’article 40 de l’ordonnance de Blois et par suite les empêchemens dirimans résultant du défaut de publicité et notamment de l’absence de bans. À ne considérer que la législation, nul doute par conséquent sur l’invalidité des mariages contractés sans publications. Mais, à côté de la législation, il y a la jurisprudence qui, selon qu’elle applique ou n’applique pas la première, lui assure une valeur pratique ou ne lui laisse qu’une valeur doctrinale. Or la jurisprudence présente des contradictions qui sont peut-être, il est vrai, plus apparentes que réelles, car elles semblent bien pouvoir s’expliquer par la diversité des espèces. Dans un manuel de droit canonique gallican qui est de 1621, Jean Chenu affirme que le défaut de bans est une cause de nullité et il se fonde, pour l’affirmer, sur de très nombreux arrêts. C’est aussi l’avis d’un