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de diriger une expédition « dans l’espace immense des mers qui environnent le pôle Sud entre le Cap Horn, la Nouvelle-Hollande et le Cap de Bonne-Espérance. »

Le 1er mai 1771, il quittait Lorient sur le Berrier[1] à destination de l’île de France, où il échangea son bâtiment contre les flûtes la Fortune et le Gros-Ventre.

L’opinion s’était accréditée qu’au Sud des îles Saint-Paul et Amsterdam existait un vaste continent austral, auquel devait se rattacher la côte où les hasards de la tempête avaient jeté Paulmier de Gonneville au début du XVIe siècle. Il importait de s’en assurer et en même temps de reconnaître une nouvelle route que Grenier recommandait pour se rendre de l’île de France à la côte de Coromandel. Cette tâche fut la première, dont le navigateur s’acquitta. Revenu à l’île de France, après trois mois d’absence, il appareilla, le 16 janvier 1772, pour son voyage aux terres australes, fit route au Sud, puis à l’Est et, le 12 février, par environ 50° 5′ de latitude Sud et par 60° de longitude orientale estimée[2], les premières terres furent rencontrées.

« Le 13, à quatre heures du matin, écrit le chevalier de Kerguelen, nous vîmes une île ; mais ce n’était pas celle que nous avions vue la veille ; les courans nous avaient transportés pendant la nuit. Je continuai ma route à l’Est-quart-Nord-Est et, à dix heures du matin, j’eus connaissance d’un gros cap très élevé. Un moment après, je vis d’autres terres également hautes. À sept heures, le soleil ayant dissipé la brume et éclairci l’horizon, je distinguai parfaitement une continuation de terres, qui s’étendaient à toute vue depuis le Nord-Est jusqu’au Sud du compas, ce qui comprenait environ 25 lieues de côtes[3]. »

Les mesures furent arrêtées, d’accord avec M. de Saint-Allouarn commandant du Gros-Ventre, pour reconnaître un mouillage et aborder ; mais des avaries graves survenues à la mâture de la Fortune, la perte de sa chaloupe, des courans contraires, une violente tempête obligèrent Kerguelen à tirer

  1. Berrier ou Berryer, nom du ministre de Louis XV qui, pendant la guerre de Sept ans, voulut concentrer les flottes de la Méditerranée et de l’Océan pour protéger le débarquement d’une armée sur les côtes d’Angleterre.
  2. Relations de deux, voyages dans les mers australes, etc., p. 21. Cette longitude a été rectifiée. D’ailleurs, M. de Kerguelen se plaint (p. 91) de ce qu’on ait refusé de lui rendre les pièces et documens de ses deux voyages, qu’il avait dû fournir en 1774, lors du procès qui lui fut intenté.
  3. Ibid., p. 22.