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mais un changement dans les projets de ce dernier fit avorter l’entreprise.

Ce nouvel insuccès décida le concessionnaire à revenir au Havre, où il coordonna ses travaux[1] et mit à profit ceux qu’avaient effectués dans les eaux des Kerguelen les deux missions scientifiques allemandes de la Valdivia et du Gauss.

Celle de la Valdivia, accomplie en 1898-1899, fut séduite par l’aspect pittoresque de nos îles. Des fjords, profonds et découpés, rappelant ceux de la Norvège, des montagnes neigeuses, des successions de terrasses, des cascades écumant entre des parois abruptes contrastaient avec le calme miroir des étangs, les collines verdoyantes et les plaines herbeuses du rivage, pendant que sur la grève ou sur les récifs s’ébattait tout un monde aquatique : canards, mouettes, pétrels, cormorans, albatros, des nuées d’oiseaux au plumage étincelant et, dans une gamme plus sombre, les bataillons serrés de ces pingouins solennels et pourtant familiers dont les explorateurs antarctiques ont décrit les plaisantes façons. Trois jours durant, le ciel demeura serein dans la baie de la Gazelle et c’est par une température de 4 degrés centigrades, sous un gai soleil de décembre, — soleil d’été pour ces régions australes, — que les promenades s’improvisèrent. Pour qui venait de supporter cinquante-deux jours de navigation maussade dans les champs de glace de l’Antarctique, c’était, si on en croit Karl Thun, un petit coin du Paradis[2].

Le Gauss, qui ne venait pas des régions polaires, mais s’y rendait, quand il aborda aux Kerguelen pour y prendre du charbon et des chiens de Sibérie déposés dans la baie de l’Observatoire par le vapeur Tanglin, n’a pas joui de ce joli contraste. Le mois qu’il s’y tint sur ses ancres, au fond du Royal-Sound (Entrée Royale), devait lui réserver, avec quelques belles journées, de violens ouragans. Cependant il fut possible au docteur von Drygalski, chef de l’expédition, d’organiser des excursions dans l’intérieur et sur la côte.

Dans l’une de ces reconnaissances, les passagers du Gauss virent se profiler au Sud le massif du mont Ross, — haut de 1 865 mètres, d’après les uns, de 1 990, d’après les autres, — et

  1. Nouvelle notice sur les îles Kerguelen, par René Bossière. Paris, Challamel, 1907.
  2. Karl Thun : Aus den Tiefen des Weltmeeres Schilderungen von der deutsch. Tiefsee, Expedition. — Iéna, Gustav Fisher, 1900.