d’une déception. » Musique de l’avenir, disait-on naguère. Créé pour la musique de Wagner, ce terme en a désigné bien d’autre, de bien autre, et dans une autre acception. Musique de l’avenir, cela signifia d’abord une musique telle, que l’avenir seul devait la comprendre et l’aimer. Aujourd’hui, l’on entendrait par là plutôt une musique faite, moins pour l’avenir que de l’avenir même, une musique dont l’avenir, non le présent, forme en quelque sorte le sujet ou l’objet, musique in fîeri, toujours sur le point d’être, sans jamais être encore. Ainsi, dans la dernière partie de l’œuvre de M. d’Olonne, je reconnais bien, — il revient assez souvent pour cela, — le premier thème, et je crois retrouver aussi le second, celui des Bohémiens. L’un et l’autre se partagent la pensée, ou le rêve du ménétrier. Mais pas une fois il ne reparaît, ce motif initial, franchement et tout droit : de biais, au contraire, toujours de biais, à tout coup détourné, déçu, trompé, — les Allemands disent bien, — par des harmonies qui se dérobent sous lui. De là, pour l’auditeur, l’impression d’une fuite éternelle, et le manque, pénible, insupportable même à la longue, d’un élément stable, positif, absolu.
Chercherons-nous, dans l’ordre littéraire ou grammatical, des formes analogues à ces formes sonores ? Il faudrait imaginer des pages de prose qui ne seraient composées que de phrases interrogatives ou dubitatives, sans une affirmation et sans une réponse : « Croyez-vous ? Il n’est pas impossible. S’il arrivait… À moins que peut-être. Et encore ! » Voilà comme écrivent, — et sans doute ils pensent de même, — bon nombre de nos musiciens aujourd’hui. Prennent-ils, par hasard, un parti, mélodique, harmonique, rythmique, incapables ou dédaignant de le soutenir, avant la dixième mesure ils l’ont abandonné. Un jour de cet automne, il nous arriva d’ouvrir un recueil de lieder écrits par M. Max d’Olonne sur le poème de Tennyson, In memoriam. Le premier de ces chants commençait d’une manière exquise. Mais ce commencement -était « court. Et les autres, les autres ! Dès le début, ceux-là s’embarrassaient et s’égaraient. Le dernier seul, qui durait à peine, était tout entier délicieux. Pourtant, c’est bien M. d’Olonne, de qui certain soir, au Caire, après l’avoir entendu jouer quelques-unes de ses œuvres, un de nos grands, très grands musiciens aurait dit : « Voilà celui qui me fera oublier. »
L’oubliera-t-on, celui-là qui, trop modeste, parlait ainsi 4e lui-même, l’oubliera-t-on quelque jour pour M. Albéric Magnard, musicien encore ignoré de la foule, mais qu’admire, honore et protège une troupe choisie ? Il a déjà son collège d’augures et sa garde de