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sensible aussi sera la répétition du détail. Il est certain que, dans la vie courante, nous sommes constamment frappés des mêmes particularités ; et que, si nous avons une fois remarqué qu’un homme possède un menton trop petit, par exemple, ou un nez trop gros, chaque fois que nous le rencontrerons, le même défaut physique nous apparaîtra. Cela vaut-il la peine d’être noté ? Ce n’est pas sûr ; et dans tous les cas, l’art devrait remplacer des impressions multiples et banales par une impression si forte, qu’elle rende à elle seule la somme de toutes les autres. Mais non ; Don Vincenzo, qui prise dès qu’il nous est présenté, prisera toujours ; nous lirons non pas une fois, mais dix fois, mais vingt fois, qu’Evelina à une épaule plus haute que l’autre ; jamais un membre de la famille Gantasirena ne rentrera dans sa demeure, sans que nous ayons des nouvelles du chat Numa ; jamais la Piccola, l’Idola, ne sortira de chez elle, sans qu’elle nous force à admirer ses deux chiens, Ding et Dong. Au début, ces notations menues ne laissent pas d’amuser ; à la fin, elles fatiguent et elles ennuient.

En somme, Rovetta ne sait pas condenser plus qu’il ne sait creuser. Il est prolixe, quelquefois diffus. À faire le compte des pages, ses romans se trouvent être moins longs qu’on n’aurait pensé, en les lisant : c’est mauvais signe. Quoi donc encore ? Il faudrait noter, au théâtre, l’importance excessive donnée à l’accessoire, à la reconstitution des milieux plutôt qu’à l’analyse du cœur, à l’agencement des scènes plutôt qu’à la vigueur du drame : plus d’habileté que de génie. Mais ces défauts proviennent de la même cause, à laquelle on remonte toujours… Et puis, à les accumuler ainsi, on deviendrait injuste ; on les extrait des qualités auxquelles ils se trouvent mêlés, et qui en réalité les compensent ; on finit par dresser un réquisitoire. Telle n’est pas notre pensée ; nous n’avons fait qu’exposer les pièces du procès, le contre après le pour : le moment est venu de juger.


III

Un jeune littérateur italien, un de ceux qui promettent le plus pour l’avenir, et ont déjà fourni le plus de gages pour le présent, M. Paolo Arcari, vient de proposer à l’attention et aux discussions de ses compatriotes un très curieux essai. La critique littéraire a mis tout son effort, dit-il, à devenir