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à comparaître le 30 mai à huit heures du matin, sur la place du Vieux-Marché où le crime sera consommé.

Que Jehanne ait su lire, écrire, ou qu’au contraire elle n’ait même pas su signer, peu importe dans une vie aussi merveilleuse, cela appartiendrait à peine aux miettes de l’histoire ; mais tout ce qui doit projeter plus de clarté sur une gloire aussi pure ne saurait être négligé.

L’habileté de ses ennemis avait su jeter une ombre qui longtemps a plané sur sa mémoire. On se demandait si Jehanne n’avait pas connu un instant de faiblesse. Ses lettres ont été le fil conducteur sans lequel on ne pouvait se reconnaître dans le drame de Saint-Ouen. Du moment que Jehanne savait écrire, et que, le 24 mai, elle a refusé d’apposer sa signature, toute ombre se dissipe, et cette question qui semblait secondaire : « Jehanne savait-elle signer ? » acquiert une importance capitale. Une défaillance passagère n’aurait pas terni sa gloire, mais elle n’a pas eu cette défaillance. L’unité de sa vie n’a pas été rompue. Les secours qui lui venaient d’en haut ne l’ont jamais abandonnée. Destinée à sauver la France et le monde catholique, Jehanne fut, jusqu’à la mort, fidèle à sa mission. Rien ne l’ébranla, ni séduction, ni crainte, et son âme s’échappa dans un cri d’amour : « Jhésus, Jhésus ! »

Toutes les merveilles de la vie de Jehanne ne pouvaient suffire pour que l’Eglise la mît sur les autels, si l’héroïcité de ses vertus avait faibli, ne fût-ce qu’un seul jour !… Le cardinal Parocchi, ponent de la cause, avait déclaré à l’évêque d’Orléans que, s’il ne trouvait pas un historien en mesure de prouver par les documens que cette prétendue abjuration canonique de la Pucelle était un faux inventé par Cauchon, il fallait renoncer à voir Jehanne d’Arc béatifiée.

A toute tentative future de canonisation, l’évêque de Beauvais avait en effet dressé un obstacle insurmontable par le seul fait de la présence au procès de cette abominable cédule comme pièce soi-disant officielle et authentique. Ce ne fut qu’en 1901 qu’une étude critique de M. l’abbé Dunand établissait la thèse précisée par le cardinal Parocchi.

Si complète que fût cette étude, nous apportons aujourd’hui, grâce aux Lettres, et en établissant que Jehanne savait signer, la preuve matérielle du faux commis par l’évêque de Beauvais. Les intérêts coalisés de tous ceux qui s’étaient attachés à la