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de conviction fougueuse qui dérangent les opinions assises… Et je doute qu’aucun lecteur de ce livre, s’il réfléchit, hésite à retoucher un peu l’image qu’il se faisait auparavant de Racine.

« Nous avons la révélation d’un admirable portrait… Puis on a raison de nous rappeler qu’il y a chez Racine, comme chez tous les hommes, une hérédité… orientée de bonne heure par le milieu local et familial… Il est possible que les deux familles, qui s’installent à la Ferté-Milon à peu près en même temps, s’opposent par leur origine et par leur caractère : les Racine, race urbaine d’artisans et de gens de loi, réguliers, doux, têtus… ; les Sconin, famille de petits seigneurs ruraux, plus violens et plus désordonnés, ambitieux dans la dévotion, plus prélats que saints… »

Alors, qu’importe que l’auteur n’eût point tous les titres d’un docteur en Sorbonne ?… Et de quel droit lui reprocher de ne pas avoir, au fond de l’âme, une tendresse profonde pour Racine ? Voilà pourtant les deux gros griefs de M. Faguet.


* * *

Précisons ! J’écris à titre de descendant du poète, qualité que j’ai bien, mais à laquelle M. Faguet, — je ne sais de quel droit, — a cru pouvoir substituer celle de « romancier. » Comment ? c’est ici, à la Revue des Deux Mondes, que moi, son collaborateur durant dix ans (1893-1903), je suis obligé de justifier que je n’ai jamais écrit de romans, et seulement de rares et courts récits de la vie maritime, de la vie d’affaires ?

J’écris ce livre grâce à certains documens, grâce aussi au généreux concours de vieux raciniens qui m’ont fait don du fruit de leurs labeurs. Ainsi, je suis arrivé à cette conviction que les ennemis de Racine s’appellent son fils Louis et Port-Royal. L’idée que j’apporte, — et qui (la critique vient de le dire) se trouve en germe dans Brunetière, surtout dans Jules Lemaître, — est que Racine est tout en passions et tout en aspirations vers le beau. Je crois que c’est un beau païen, et il me semble que nul ne vit plus juste que Sarcey, le jour où il affirma que, chez Racine, sous la phrase, vivent des hommes qui ne sont ni de son siècle, ni de son pays, ni même chrétiens, — mais l’homme éternel.

Et, parce que je veux retirer Racine des caveaux de ce