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immédiatement assurés. Des ponts fixes existaient à Sarreguemines et à Sarrebrück et, en outre, à cette époque de l’année, on pouvait se servir de plusieurs gués. Un de nos espions avait passé à Grosbliederstroff (7 à 8 kilomètres en amont de Sarrebrück) en ayant de l’eau jusqu’au genou. Mais il suffisait d’un orage pour que ces gués cessassent d’être guéables. En aucun cas, ils ne pouvaient suffire à une grosse fraction de troupes, ils ne pouvaient être passés par l’infanterie que homme par homme, et l’artillerie ne pouvait s’en servir à cause de son poids. L’Empereur en interdit l’usage, et il fut arrêté que l’artillerie établirait deux ponts et le génie deux autres ; le 2e corps d’armée n’ayant pas encore reçu son équipage de ponts, celui du troisième lui serait envoyé.

Le Bœuf revint dans la soirée du 30 de Strasbourg avec Mac Mahon. Le lendemain dimanche 31 juillet, au sortir de la messe où il s’était rendu à pied avec son fils, l’Empereur vit Mac Mahon seul. Le maréchal le trouva très affecté. L’armée, lui dit-il, n’était pas prête ; l’alliance autrichienne et italienne ne se nouait pas. Il était obligé de renoncer à son attaque par le Rhin.

Le 31, Frossard n’était pas à Morsbach : il s’était fait ordonner par l’Empereur de transférer son quartier général à Forbach où il trouvait un télégraphe qui n’existait pas à Morsbach. C’est là qu’eut lieu la conférence. Bazaine jugea trop audacieux de passer la Sarre et d’occuper Sarrebrück : il fallait se réduire à une reconnaissance sur la rive gauche et attendre. Il révélait dès lors la fatale inertie qui a perdu lui, l’armée et la France. Son avis prévalut, et à l’unanimité il fut décidé que l’opération, fixée au 2 août, se réduirait à occuper les positions de la rive gauche de la Sarre dominant la gare qui serait battue par le canon. Bazaine se hâta d’instruire l’Empereur de cette conclusion. (31 juillet, 4 h. 50 soir.)

Ainsi on avait d’abord projeté l’offensive par le Rhin, puis on y avait renoncé à cause de la neutralité de l’Autriche, et on s’était rabattu à l’offensive sur la Sarre ; on renonçait encore à celle-ci et on se réduisait à une reconnaissance sur la rive gauche, ce qui signifiait qu’on ne ferait rien en ayant l’air de faire quelque chose et qu’on ne prendrait l’offensive d’aucun côté.