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fines, élégantes, écrites en se jouant par un maître écrivain, pour le plaisir d’écrire, sans prendre assez peut-être la peine de penser. Le meilleur, et de beaucoup, en ce Don Quichotte, c’est le détail, le rien ; entre les pages qui devraient être importantes, significatives, c’est ce qu’on pourrait appeler les articulations ou les jointures. Pas une qui ne joue avec aisance, et sans crier.

Ainsi, dans l’ensemble et les traits généraux, le rôle de la belle Dulcinée est simplement insupportable, ou plutôt il l’est sans aucune simplicité. Il l’est pour diverses raisons, dont la première, en effet, est l’affectation ; une autre, deux autres, seraient tantôt une sentimentalité, tantôt un débraillé de café-concert. Avec, ou malgré cela, dans un coin du quatrième acte (la fête chez Dulcinée), au début et comme tout de suite en entrant, vous trouverez, après quelques mesures d’une contredanse mélancolique et délicieusement vieillotte, quelques mesures aussi de chant, où se trahit tout bas une fine et furtive sensibilité.

L’Espagne, que le sujet permettait, commandait de nous montrer grandiose, austère et farouche, l’Espagne des sierras et des plaines fauves, n’est guère autre chose qu’une Espagne de bazar et de pacotille… Et tout de même sur ce fond d’une couleur banale, superficielle, et qui ne tient pas, il arrive que le musicien espiègle, spirituel, jette une touche plus vive et plus originale, en passant.

Il n’est pas rare non plus que le dialogue, même celui des personnages secondaires, soit accompagné, commenté, par un orchestre discret, expressif, où l’on croirait presque surprendre un sourire, un soupir aussi, de Mozart. La dextérité, voire la subtilité, ne manque jamais à M. Massenet. De l’un des deux motifs principaux, — et pareillement déplorables, — de « la belle Dulcinée, » il sait faire, dans un bout de scène entre deux jeunes galans, le sujet d’un petit travail ingénieux. Le thème de l’arrivée de Don Quichotte nous a rappelé l’entrée plus sérieusement héroïque, au second acte de Guillaume Tell, de l’un des trois cantons. Volontaire ou non, la réminiscence est plaisante. Agréable aussi, dans certains propos du chevalier, le style à dessein archaïque et qui semble d’un autre temps, comme le personnage lui-même. Que retenir encore ? Le défi de Don Quichotte aux moulins, thème au rythme agressif et pointé, aux larges intervalles menaçans, répété en canon quand Sancho se met de la partie et dont la dernière reprise, par « augmentation, » accompagne et fait plus piteuse la chute d’où le prestige du pauvre chevalier se relève amoindri. Détail enfin, détail toujours, avant le combat