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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/110

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lui-même, et l’on ne voit vraiment rien d’essentiel à ajouter à ce qui, ici même, a été très justement et finement dit par M. Doumic, au fur et à mesure que ces diverses pièces affrontaient la lumière de la rampe. Tout ce que déjà l’on entrevoit, c’est que l’œuvre de M. Bourget au théâtre est et vraisemblablement sera analogue à celle qu’il a poursuivie dans le roman. Prenant ses sujets au cœur de la réalité contemporaine, il met aux prises des personnages dont il analyse avec une vigoureuse subtilité les sentimens et les passions, et dont il fait le vivant symbole de certaines doctrines en cours ; le drame de passion devient ainsi un drame d’idées, et de ce double conflit il se dégage discrètement une leçon générale qui est la solution du problème posé, telle du moins que l’écrivain la conçoit ou la souhaite. Attendons le Tribun pour voir si M. Bourget va encore une fois demeurer fidèle à son « rêve d’art, » qu’il définit lui-même si heureusement : « du pathétique qui fasse penser[1]. »


III

Deux volumes de vers, cinq volumes de critique, quatre volumes de voyages, quinze volumes de romans, quatorze volumes de nouvelles, quatre pièces de théâtre, sans compter nombre d’articles, de lettres, préfaces ou discours qui n’ont pas été recueillis, voilà, après quarante ans bientôt de vie littéraire, de quoi se compose actuellement l’œuvre de M. Paul Bourget. Elle est considérable, comme on peut voir, et elle est variée, — plus variée même que celle d’aucun autre des hommes de lettres français contemporains. Aucun autre d’entre eux en effet n’a touché à autant de genres, ni surtout n’a aussi fortement marqué sa place dans tous les genres qu’il a successivement ou simultanément abordés. Là même où il n’a pas atteint au premier rang, il donne l’impression, — sauf peut-être en poésie, — qu’il aurait pu y atteindre, s’il avait voulu faire porter là son principal effort. Cet effort soutenu et prolongé, le seul qui assure même aux maîtres la suprême maîtrise, c’est dans l’art du roman qu’il l’a fourni, et par l’abondance et la diversité, par la vigueur d’exécution, par la haute portée et le retentissement des

  1. Lettre à Charles Ritter, du 10 avril 1905 : voyez toute la page dans la Revue du 15 novembre 1910, p. 156-157.