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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/153

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objets destinés au culte. D’autre part, pour assurer la continuation des sacrifices familiaux, le Code a facilité l’adoption ; il ne la soumet qu’à une seule condition : l’adoptant doit être plus âgé que l’adopté, ne fût-ce pourtant que d’un jour. De plus, si le Code a enlevé à tous les citoyens le droit d’avoir des femmes de second rang, droit réservé d’ailleurs aux nobles et aux samuraïs depuis le XVIIe siècle, il a fait une place à part aux fils naturels du mari : en matière de succession, ceux-ci sont préférés aux filles légitimes ; ils peuvent être légitimés par la volonté de l’un et l’autre époux et ne sont plus alors considérés comme les enfans de leur mère, mais comme ceux de la femme de leur père.

Si le Code n’a fait que ces concessions à la tradition, il va de soi que les mœurs lui en font davantage. Le père profite des facilités que lui laisse la loi pour assurer à son fils aîné la plus grande partie de ses biens ; les fils majeurs restent dans la dépendance de leur père, les frères cadets dans celle du frère aîné ; le chef de maison n’accomplit aucun acte important sans prendre l’avis du conseil de famille. La femme ne jouit guère de l’égalité que lui accorde la loi et si les concubines du mari ne portent plus le titre de femmes de second rang, combien sont installées encore au foyer conjugal ! aussi bien la loi ne permet-plie pas à la femme d’intenter une action en divorce pour adultère du mari. Cependant on peut dire que d’une manière générale, il n’y a pas d’opposition entre la loi et les mœurs ; le Code a seulement précipité une transformation qui s’accomplissait depuis plusieurs siècles. Et c’est là un point d’une importance capitale pour l’étude des sociétés asiatiques. Dans le droit et plus encore dans les mœurs de la Chine et de l’Inde comme dans le droit et les mœurs du Vieux Japon, nous découvrons une lente évolution vers l’individualisme, qui depuis quelques années tend dans ces pays comme dans le Japon moderne à devenir plus rapide. Ainsi s’atténue, au moins partiellement, l’une des principales différences qui existent entre la civilisation de l’Asie et celle de l’Europe : n’est-ce pas là une conséquence forcée de la constitution actuelle de l’Etat, de l’instruction publique, du service militaire obligatoire, des nouvelles conditions économiques, qui diminuent l’importance de la propriété immobilière, augmentent celle de la propriété mobilière, suppriment les petits métiers, font émigrer vers les villes la population des campagnes, forcent les enfans à se séparer de leurs parens pour