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Quand les flots retombant avec leur bruit d’enclume
Entraînent tes vaisseaux vers les écueils amers,
Tu ne vois plus passer, le poitrail dans l’écume,
Les chevaux emportant le char du dieu des mers ;

Et quand sur tes cités tremblantes, les orages
Roulent leurs grondemens profonds et leurs feux clairs,
Tu ne vois plus paraître, au milieu des nuages,
La monstrueuse main qui brandit les éclairs.

Mais, las de ton orgueil qui ne peut se résoudre
A croire aux dieux buvant dans les Olympes bleus,
Les poètes, épris des flots et de la foudre,
S’envolent, par le rêve, aux siècles fabuleux.

Et toujours ils s’en vont, Grèce, vers tes ruines !
Derniers fervens de l’art, ils viennent y prier.
Vieille patrie ! Il faut ton air à leurs poitrines,
Ton air plein d’un parfum de myrte et de laurier,

Ton air pur et vibrant où sous un souffle tremblent
Les arbres élancés de tes bois toujours verts,
De tes bois pleins d’échos si sonores qu’ils semblent
Créés pour retentir au rythme des beaux vers.


LE PASSANT[1]


Sous le bandeau trop lourd pour son front de seize ans,
Assise sur un trône aux longs rideaux pesans
Où l’orgueil brodé d’or des blasons s’écartèle,
Couverte de lampas et d’antique dentelle,

  1. La pièce suivante a été écrite sur du papier à en-tête du Ministère de la Guerre, où Coppée était entré à vingt ans comme expéditionnaire. Il a été de bonne heure hanté par les poétiques silhouettes de Zanetto et de Silvia.

    Ce petit poème n’est-il pas, en effet, comme une première ébauche du Passant, ou bien encore comme le prélude de la première pièce des Intimités ? — J. M.