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« Et, dans le vertige où les plonge
Cet art érotique et scabreux,
Sans doute qu’aucun d’eux ne songe
À cette enfant qu’on perd pour eux.

« Siècle de toi-même idolâtre,
Epoque aux grands mots puérils,
Les spectacles de ton théâtre
Sont moins sanglans, mais sont plus vils.

« Cette innocente, encore dupe,
Qui ne sait pas dans quel dessein
On fait aussi courte sa jupe
Et l’on découvre autant son sein,

« Cette victime, c’est la tienne,
Multitude aux instincts fangeux !
C’est toujours la jeune chrétienne
Toute nue au milieu des jeux ;

« Ce sont toujours tes mille têtes
Fixant leurs yeux de basilic
Sur la femme livrée aux bêtes,
Sur l’enfant jetée au public ! »

 — Je m’indignais, et, sur la scène,
Celle qui n’avait pas seize ans
Chantait un couplet trop obscène
Pour qu’elle en pût savoir le sens,

Et, l’horreur crispant ma narine,
Loin du mauvais lieu je m’enfuis,
Respirant à pleine poitrine
L’air salubre et glacé des nuits.