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le Nouveau-Monde, — autrefois nos cliens, — le travail de la lingerie fine dont nous avions jusqu’ici le monopole ; du même coup nos débouchés sont diminués et aussi nos chances d’exportation.

La lingerie a encore subi, dans une large mesure, les conséquences et le contre-coup du protectionnisme : l’exportation en Belgique est réduite de trois quarts ; le marché espagnol est fermé ; celui d’Angleterre encore ouvert, mais menacé. L’Allemagne et l’Amérique importent des articles élégans, mais fabriqués mécaniquement ; l’Amérique du Sud se ferme de plus en plus. D’autre part, sur les marchés ouverts, on commence à sentir la concurrence de l’Autriche pour les blouses et le linge brodé.

La dentelle et la passementerie ont toujours été les travaux préférés des femmes, qui leur sacrifient volontiers le tricot. En 1900, la dentelle seule occupait environ 93 000 ouvrières, réparties dans divers départemens. Environ 13 000 se concentrent aux environs de Nancy, 12 000 dans la Haute-Saône et aux environs de Luxeuil. On en retrouve encore en Normandie, en Bretagne, dans les Alpes, la Lozère, alors que la passementerie se centralise en autant de foyers distincts difficiles à dénombrer autour de Lyon, de Paris et dans l’Oise.

Ces dernières années, de grandes commandes venues d’Amérique alimentaient la plupart des centres dentelliers ; mais, par suite du krach, puis de l’émigration de dentellières dans le Nouveau-Monde, les commandes données à l’Europe tendent à devenir plus rares, l’écoulement des produits devient moins facile et il est à craindre que, d’ici peu, cette industrie si française et qui mérite le nom d’industrie d’art, ne meure épuisée par sa richesse même.

D’un simple concours de circonstances peut jaillir une idée, et d’une initiative intelligemment conduite dépend le succès d’une entreprise. En 1857, une femme du monde, ayant subi des pertes de fortune, se mit à tricoter des manteaux et des pèlerines. Grâce à ses relations, elle trouva aisément à placer ces objets. Elle rencontra des imitatrices, dont, en 1870, le chiffre atteignit 2 000 ; aujourd’hui, la région où elle débuta comprend 25 000 travailleuses pour 60 entrepreneurs, auxquelles, malheureusement, les usines commencent à faire une redoutable concurrence.

Il est facile d’établir des groupemens de tricot dans les