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LE RELÈVEMENT DE L’INDUSTRIE RURALE.

aux travaux des champs, près de soixante enfans âgés de treize ans et demi et au-dessus. La plus grande majorité étaient d’anciens pupilles de la colonie qui, leurs 51 jours de vacances terminés, prolongèrent volontairement le temps de leur séjour. Quelques-uns même se fixèrent définitivement à la campagne, et ce fait mérite d’être enregistré à une époque où l’agriculture française est en souffrance par suite de la désertion systématique et toujours croissante des campagnes.

Toutes les œuvres sont bonnes, qui convergent au même but : enrayer le dépeuplement des campagnes. Mais, pour obtenir les résultats désirés, elles doivent être comprises et trouver un écho dans les campagnes elles-mêmes. C’est toute une éducation à faire, dans laquelle la part de la femme est grande, mais combien belle ! A la femme, il appartient d’orienter la mode pour faire mieux apprécier les productions ingénieuses et même artistiques de certaines industries rurales et nationales, à elle de faire l’éducation de la femme du peuple, de lui faire connaître la nécessité d’un apprentissage solide pour posséder à fond son métier, de former son goût.

C’est ce que comprirent les femmes des pays voisins qui, par leur activité, leur zèle intelligent, contribuèrent au relèvement de certaines industries nationales complètement abandonnées, et leurs tentatives furent presque toujours couronnées de succès.

Vers 1870, l’industrie dentellière avait complètement disparu en Italie et, dans l’île de Palestrino, on n’aurait pas trouvé cent femmes capables de faire la dentelle au fuseau : une seule connaissait encore le point de Venise. L’hiver rigoureux de 1872 gela les lagunes de l’île et, comme l’unique ressource des habitans consistait dans la pêche, la misère devint extrême ; quelques familles faillirent mourir de faim. Des fonds furent recueillis rapidement, des secours organisés ; une moitié de la somme que rapportèrent les diverses souscriptions servit à l’achat de denrées alimentaires et le reste fut réservé aux frais d’enseignement d’un métier à la population féminine, afin de conjurer autant que possible pareille catastrophe dans l’avenir. Après quelques tâtonnemens, celui de la dentelle fut adopté. On choisit une ouvrière habile à laquelle, sous une direction intelligente, on fit copier des dentelles modernes françaises et belges, puis d’autres points. Son apprentissage technique jugé suffisant,