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bismarckiennes ; et Maltzahn déclara qu’en présence de l’Encyclique de Pie IX il voterait, aujourd’hui, ce que demandait Bismarck. Ainsi parmi ces conservateurs dont l’attitude politique avait conduit Bismarck à s’appuyer sur les nationaux-libéraux, il y en avait un qui se détachait, qui rentrait au bercail gouvernemental, et qui désormais, enfin, aiderait à l’assaut contre le Pape. La voix du chancelier trouva d’étranges caresses pour choyer l’enfant prodigue : il remercia Maltzahn, avec effusion, de confesser librement et à cœur ouvert l’Évangile de la Réforme. « Notre Evangile, » articulait-il triomphalement ; et sentant d’ailleurs qu’il était ministre d’un Etat où les catholiques formaient un tiers du peuple, il protesta qu’il parlait, non pas en tant que ministre, mais en tant que membre de la Chambre des Seigneurs. Et moyennant cette précaution oratoire, on vit le chancelier de l’Empire, le premier ministre du roi de Prusse, déployer savamment le drapeau de la Réforme, devant les Seigneurs attentifs et recueillis. « Ah ! leur disait-il, si cette confession que M. de Maltzahn vient de faire entendre avait retenti il y a quelques années, la lutte avec les catholiques n’eût pas été aussi violente. Ah ! si les conservateurs évangéliques m’avaient fidèlement soutenu, dans l’esprit de l’Evangile protestant ! Ah ! si la plupart avaient compris que notre Evangile, notre salut compromis et menacé par la Papauté, — je parle en chrétien évangélique, — valent mieux et plus, pour nous, qu’une opposition politique momentanée contre le gouvernement ! » L’expression de ses regrets demeurait inachevée ; ses gestes la terminaient, ses soupirs la ponctuaient. Il avait l’air de vouloir, cœur à cœur, causer de l’Evangile, — de l’Évangile de Luther, — avec les membres de la Chambre haute. Ce mot de cœur, si rare sur ses lèvres, y apparaissait : « Maltzahn, disait-il, m’a causé une joie de cœur. Ce m’est en quelque sorte un pont pour rétablir d’anciennes relations qui n’ont pas dû se rompre sans que j’en aie gravement souffert. » Il disait vrai : dans la mesure où il pouvait souffrir, la rupture avec les conservateurs lui avait été une souffrance. Il avait toujours craint, sans le dire tout haut, qu’en n’ayant plus d’autres amis que les nationaux-libéraux, il ne devînt leur captif. Il insinuait, comme toujours, que s’il avait dû commettre certaines violences, c’était leur faute, à eux, conservateurs ; mais il le redisait, cette fois, en leur ouvrant les bras. Le Culturkampf les