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accusé : c’était Frédéric-Guillaume IV, le propre frère de Guillaume Ier. Sa politique religieuse avait apaisé les consciences en affranchissant l’Eglise ; après trois ans de Culturkampf, ils en étaient la seule survivance : à leur tour, on aspirait à les balayer. Ce fut le catholique Pierre Reichensperger qui plaida pour l’idéal du roi défunt et pour la Constitution libératrice, gardienne de cet idéal. Mais une voix déclara que la politique de Frédéric-Guillaume IV, « nature plus noble que pratique, avait fait une brèche dans les dispositions essentielles pour la paix générale de l’État ; » cette voix fut celle de Bismarck. Il reprit ses attaques contre l’ancienne « division catholique, » supprimée, dès 1871 parce qu’elle se composait de « légats du Pape. » D’ailleurs, alors même qu’à la rigueur, dans le passé, ces articles constitutionnels eussent été admissibles, ils avaient cessé de l’être. Bismarck observait qu’ils avaient eu pour but de donner des droits à une certaine corporation composée de tous les ecclésiastiques prussiens ; aujourd’hui, continuait-il, l’Eglise épiscopale s’est transformée en une monarchie papale absolue ; et qu’était-ce donc que le Pape ? Un étranger dont le programme, « directement opposé à celui de l’État, » était continuellement l’objet d’une solennelle publicité, le chef d’un parti compact, le metteur en œuvre d’une presse officieuse, mieux servie, moins chère, plus répandue et plus accessible que celle de l’État ; un docteur, enfin, qui visait à supprimer les institutions constitutionnelles, à exterminer les hérétiques, et qui, s’il était le maître, condamnerait les protestans à émigrer ou à perdre leurs biens. Stipuler, comme le faisait la Constitution, que l’Eglise gérait librement ses affaires, c’était, en fait, stipuler qu’elles seraient réglées par ce personnage-là. « Il ne dit pas : l’État c’est moi, il est trop habile pour cela ; mais le Roi et l’État prennent ce qui reste, après que le Pape s’est taillé dans les droits séculiers la part qui lui plaît. » Bismarck estimait que les articles incriminés laissaient une lézarde dans l’édifice prussien, il fallait réparer cette lézarde.

C’était un discours de guerre, mais les dernières phrases étaient d’un autre ton et semblaient déjà d’une autre époque « Une fois cette loi votée, terminait Bismarck, rien ne me sera plus à cœur que de chercher la paix, la paix même avec le Centre, mais surtout avec le Siège romain, dont les sentimens sont bien plus modérés, et j’espère que, Dieu aidant, je la