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résulter. Priez instamment Dieu qu’il fasse la grâce au curé Kick de venir bientôt à résipiscence.

« Car je vous le dis, s’il ne fait pénitence, s’il ne répare le mal qu’il a fait, le Tout-Puissant, dans son terrible verdict, le pulvérisera comme je pulvérise ce cierge… »

On criait, on s’agitait, on pleurait : le messager de la colère divine était disparu… Il était l’envoyé secret d’un délégué secret, et toutes ces forces anonymes dépendaient du Pape lointain, du Pape insaisissable. La police cherchait des responsables : on arrêtait trois prêtres, un organiste ; on condamnait, pour son obstiné silence, le propriétaire qui avait conduit de la gare au village le porteur d’excommunication.

Mais le curé Kick, à l’avenir, était un curé sans ouailles ; l’État n’en pouvait mais : des vagabonds venus on ne savait comment, arrivés on ne savait d’où, et partis, aussi, pour on ne savait quel autre esclandre, annulaient ainsi, par un seul mot dit aux consciences, les prétentieux efforts de la loi.


VIII

La loi ne pouvait avoir tort ; donc, puisqu’elle échouait, c’est que les fonctionnaires l’appliquaient mal. Les tyrannies déconcertées aiment ces lâches conclusions, elles accusent leurs agens au lieu de s’accuser elles-mêmes : elles les acculent à certains excès de zèle, qui, loin de grandir la fonction, humilient l’homme, et volontiers elles suspendent, sur leurs têtes docilement courbées, le reproche de n’avoir pas su vaincre ou de n’avoir pas voulu. La disgrâce infligée dès la fin de 1874 à Nordenpflycht, président supérieur de Silésie, avertissait tous les fonctionnaires prussiens qu’ils devaient être des outils de guerre. « Ils rendent illusoires toutes nos mesures législatives et font douter le peuple du sérieux de notre action, » disait Bennigsen à Bismarck lui-même, un jour qu’ils dînaient ensemble ; et Bennigsen, au café, réclamait des têtes. C’était à la face de toute la Prusse qu’à son tour Wehrenpfennig insistait, du haut de la tribune, pour que l’administration fût purifiée. Et l’on assistait à ce spectacle inouï, d’un Sybel faisant trêve à ses travaux d’histoire pour organiser, sur le Rhin, l’espionnage des fonctionnaires.

Autrefois, en Bavière, Sybel avait détaché de l’Église et de l’Autriche l’esprit du roi Max et les cercles « éclairés » de