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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/360

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c!5t REVUE DES DEUX MONDES. vers le trône. Le petit Empereur de Nang-King échange des signes avec l’Empereur tartare ; il lui montre le dragon d’or, suspendu à son cou, tan- dis que l’Empereur tartare lui fait voir un coin du volant, caché sur sa poitrine. L’Impératrice, surprise, interroge son fils du regard. L’enfant sourit mystérieusement, et se presse contre elle. L’Empereur tartare con- temple d’abord l’Impératrice, puis lentement se prosterne. Il se relève. La musique cesse.) L’Empereur. — divine Majesté ! Moi, votre esclave, et en ce moment l’un des premiers dignitaires de votre cour, pour- quoi donc suis-je si peu de chose? Pourquoi est-elle stérile, ma volonté fervente de créer sous vos pas une route unie et triom- phale ?... Oh ! devant mon impuissance à dompter le sort mena- çant, quel tumulte de désirs et de colère bouleverse mon âme!.. Et pourtant, voici que le céleste rayonnement de votre pré- sence m’illumine et m’inspire. Une lumière éclatante, qui émane de Votre Majesté, semble traverser les nuages des horizons, percer les ténèbres,... et je vous vois, là-bas, dans la grande ville des Tsins!... je vous vois assise et toute-puissante, sur le trône même de l’Empereur tartare; l’immense empire, indivis et calmé, étendu sous vos pieds comme un tapis de gloire !... Non, la destinée ne pourra pas vous être cruelle; devant votre personne sacrée, ses armes se briseront. Pour certains êtres, à ce point supérieurs au niveau commun, les lois du ciel et du monde ne semblent-elles pas toujours fléchir?... Souve- nez-vous de cette favorite, si belle, qui jadis subjugua Tun des souverains vos aïeux : quand vint le jour où, déchue de la faveur impériale, elle fut livrée aux bourreaux, tranquille, elle les regarda, et dès qu’ils brandirent leurs sabres, pour toute défense elle sourit. Alors, ils jetèrent leurs armes à ses pieds, car aucun ne se sentit le courage d’éteindre ce radieux sourire. (Une rumeur d’étonnement contenu parcourt la foule qui s’agite.) Ainsi vous désarmerez le destin, et vos plus redoutables adversaires ploieront le genou devant vous... (Ce disant, il s’agenouille.) L’Impératrice, après un instant de stupeur et de silence, sans se lever du trône. — Merci, mon noble sujet. Vos paroles auda- cieuses nous ont surprise, mais nous ont aussi charmée. Les tragiques circonstances de notre investiture excusent d’ailleurs