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douleur l’année suivante dans la maison de santé où la maladie a obligé à le laisser et où on semble l’avoir oublié.

Cependant, alors qu’autour d’eux les poursuites se multipliaient, Magon de la Blinaye et Magon de la Lande fils étaient encore en liberté et pouvaient espérer qu’ils ne seraient pas inquiétés. Mais ce n’était qu’un répit. Au commencement de décembre débarquent à Saint-Malo deux délégués du Comité de Sûreté générale, envoyés à l’instigation de Héron. Ils apportent au comité de surveillance l’ordre de sévir et, dans la soirée du 3, cet ordre reçoit un commencement d’exécution vis-à-vis d’Erasme Magon de la Lande fils, alors âgé de quarante-neuf ans. Pendant l’été de l’année précédente, il s’était rendu chez son père au château de Tilly d’Orceau, avec sa femme et ses enfans, ainsi qu’il le faisait tous les ans. Malgré les troubles qui dès ce moment se succédaient à Paris et par toute la France, la famille, réunie autour du vénérable aïeul, avait vécu durant quelques mois dans une tranquillité relative. Le 24 juin 1792, il écrivait à un de ses amis :

« Je suis dans ma terre avec mes enfans qui m’ont fait l’amitié de venir me trouver, c’est une grande satisfaction pour moi de les y voir. J’y vis tranquille et content, bien enchanté d’être loin de Paris et de ne pas voir tout ce qui s’y passe ; c’est encore trop de l’apprendre ; tout ce qui arrive est fait pour me dégoûter. Je ne sais trop le temps que j’y passerai, cela dépendra de la tranquillité que j’éprouverai ; on ne peut maintenant répondre de rien. Jusqu’à présent, j’ai lieu d’être satisfait : les habitans sont doux et paisibles. Comme partout ailleurs, il y a quelques mauvais sujets, mais en petit nombre ; ils sont maintenus. J’ai dans mon bourg une brigade de maréchaussée, qui en impose et fait bien son devoir. Les habitans sont contens de me voir. Je fais honnêteté à tous et ne me mêle de rien : c’est le meilleur moyen d’avoir la paix. »

Le contentement et la confiance que respire cette lettre se prolongèrent jusqu’au 10 août. Ils furent détruits par les catastrophes que rappelle cette date et par celles qui suivirent : l’abolition de la royauté, l’emprisonnement de la famille royale, les massacres de Septembre, le procès de Louis XVI et son exécution. Maintenant, les illusions n’étaient plus permises ; on allait aux abîmes. À cette époque, Erasme Magon avait quitté Tilly, pour rentrer à Saint-Malo. Mais il ne semble pas y avoir