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le fond de l’abside, sur le mur dominant l’autel, sans qu’aucune fenêtre vienne aveugler les yeux, tout un immense panneau est ménagé pour recevoir les motifs principaux, qui sont en général des scènes de la vie du saint auquel l’église est consacrée. Les peintures se continuent sur la conque de l’abside, et, par l’arc majeur et les pendentifs, se raccordent à celles de la coupole et des grandes voûtes du transept et de la nef. Enfin, sur les autels des chapelles latérales, des tableaux viennent compléter cette splendide ornementation. Les plus magnifiques exemples de cet art se voient à S. Andrea della Valle et à S. Ignace.

Ce système eut comme conséquence l’emploi d’un autel très bas, fait pour ne rien cacher de la peinture des murailles. Mais on ne tarda pas à s’éloigner de cette simplicité et à vouloir pour les autels des formes plus majestueuses. A la gravité des peintures du XVIe siècle on substitua les effets scéniques des grands autels du XVIIe siècle. A S. Ignace et au Gesu, on verra le changement survenu en comparant la simplicité du maître-autel à la prodigieuse richesse des autels du transept.

L’église du Gesu et toutes celles de la même époque, en dehors des peintures religieuses, étaient d’une très grande sobriété d’ornemens. Mais elles ont été tellement modifiées qu’on ne peut aisément se rendre compte aujourd’hui de ce qu’elles étaient tout d’abord. Au cours du XVIIe siècle, les parties supérieures de l’église du Gesu, voûtes et coupole, ont été décorées, non en se conformant à l’esprit de son constructeur, mais en allant à l’encontre même de cet esprit. De telle sorte que dans cette église des Jésuites, dans cette église mère de la célèbre Société, tout est si confondu que nous sommes portés à juger à contresens ce que nous appelons l’art des Jésuites. Mais si nous apportons quelque attention à cet examen, nous pouvons reconnaître dans cette seule église le grand changement qui eut lieu au cours du XVIIe siècle dans l’esprit de la Papauté et par suite dans l’esprit de la Société de Jésus, qui ne fait que lui obéir. Dans l’étage inférieur, c’est la simplicité, la correction, la froideur propres à toutes les œuvres de Vignole et de tous les architectes de cet âge. Dans le haut, au contraire, c’est le Baroque s’épanouissant dans tout l’éclat de sa joie. Ici l’église, comme la Société des Jésuites, comme le monde entier de la catholicité, voit, après l’âge de la lutte et de l’austérité, apparaître l’âge