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réédité les phrases ordinaires et devenues banales, sans rien de plus. M. Monis, afin de mieux montrer la sincérité de ses sentimens laïques, a ajouté que le jour où il avait été nommé délégué cantonal avait été le plus beau de sa vie, ce qui a fait rire. Disons enfin, pour en finir, que le gouvernement s’est déclaré partisan du scrutin de liste avec représentation proportionnelle : toutefois il y introduit l’apparentement comme un système transactionnel propre à faire l’union dans le parti républicain. Il peut y aider, en effet, parce qu’il fausse la réforme de manière à satisfaire des goûts différens. Au surplus, ce n’est là qu’un détail dans l’ensemble des questions que la déclaration pose et auxquelles le ministère ne semble pas devoir donner des solutions absolues.

Une interpellation a immédiatement suivi la lecture de la déclaration. De nombreux orateurs y ont pris part, surtout des socialistes et des progressistes. Parmi les premiers, il faut citer M. Colly et M. Sembat, et, parmi les seconds, M. Bérard, M. Paul Beauregard et M. Charles Benoist. M. Bérard est un jeune député élu l’année dernière qui a fait des débuts brillans : il a sommé le ministère de dire s’il entendait gouverner avec l’extrême gauche socialiste. « Je vous demande, a-t-il dit, de vouloir bien nous dire si, oui ou non, vous acceptez la collaboration politique d’hommes qui nous accusent à chaque instant, nous, d’être les complaisans des puissances de réaction et des puissances de privilège, et qui, je le crains bien, ne sont pas tout à fait libres, eux, vis-à-vis des forces d’anarchie et des puissances de désordre ; si, oui ou non, vous acceptez une collaboration politique qui imposerait au gouvernement, par répercussion, par incidence si je puis dire, la collaboration exigeante de la Confédération générale du Travail. » M. Paul Beauregard, frappé de la violation des règles parlementaires qui a présidé à la composition d’un ministère pris tout entier dans la minorité, étonné aussi d’entendre les hommes d’aujourd’hui tenir à peu près le même langage et promettre la même politique que ceux d’hier, a terminé son vigoureux discours en disant : « Etes-vous les représentans de la revanche des vaincus ? Ou bien êtes-vous un ministère de repentis ? » M. Charles Benoist a demandé des explications plus précises sur les intentions du gouvernement relativement à la représentation proportionnelle. A toutes ces questions M. Monis a répondu peu de chose ; il s’est contenté de délayer un peu la déclaration ministérielle, et quant aux limites de la majorité qu’il poursuit, il les a fixées en disant que cette majorité doit « commencer où finit la haine de nos institutions