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L’ESPRIT DE LA NOUVELLE SORBONNE

Dans un précédent article[1], j’ai d’une part cherché les causes de la crise du français, d’autre part essayé d’expliquer ce qu’était l’enseignement supérieur des lettres et la légitimité, et l’utilité, et la nécessité de son existence. Aujourd’hui, je voudrais chercher les causes de « la crise de la Sorbonne, » de l’irritation d’une partie de ses étudians contre l’esprit général qui l’anime, voir ce qu’il y a de légitime au fond de cette animosité et dans quelle mesure et de quelle manière on y pourrait donner satisfaction.

Le fond de l’affaire, c’est la lutte entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur. Cette lutte longtemps latente, aujourd’hui très déclarée, et qui sera demain aiguë, consiste en ceci. Il existe en France deux enseignemens qui sont utiles et un enseignement qui ne sert à rien. Les deux enseignemens qui sont utiles, c’est l’enseignement primaire et l’enseignement supérieur ; l’enseignement qui ne sert à rien, c’est l’enseigne-secondaire. L’enseignement primaire, selon ses différens degrés, mène à être laboureur, ouvrier, contremaître, petit employé, petit commerçant ; l’enseignement supérieur mène à être avocat,

  1. On le trouvera dans la Revue des Deux Mondes du 15 septembre 1910 et reproduit dans l’Esprit de la nouvelle Sorbonne, par Agathon (libraire du Mercure de France). À ce propos, je ferai remarquer à Agathon, qui prétend que la Sorbonne m’a « délégué » à sa défense et que c’est une « tactique » et une « manœuvre, » que je suis un peu connu pour n’entrer jamais dans aucune manœuvre, pour n’être jamais mêlé à aucune tactique et pour n’être jamais le délégué que de moi-même. J’ai écrit l’article en question, qui m’avait été demandé par M. Francis Charmes, en août 1910, à Bourbon-l’Archambault, sans avoir correspondu avec qui que ce soit sur ce sujet. Il faut du reste ne me connaître aucunement, ce qui est permis, pour supposer même qu’il en ait pu être autrement.