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III

La fonction monétaire de la Banque de France est une des plus intéressantes à mettre en lumière. Elle est d’une importance capitale pour notre pays, et emprunte un intérêt plus grand encore à la nature de notre étalon boiteux, dont il convient tout d’abord de rappeler l’origine et l’état actuel.

On sait que la loi fondamentale en cette matière est celle de germinal an XI qui a créé notre unité métallique, le franc, constitué par 5 grammes d’argent à neuf dixièmes de fin. La même loi a prévu la frappe de pièces d’or, dans la proportion de 1 à 15 et demi, c’est-à-dire que le franc d’or pèse 5/15, 5 soit 0gr, 322 de métal, à neuf dixièmes de fin également. Pendant près de trois quarts de siècle, jusqu’après la guerre de 1870, le rapport entre le métal blanc et le métal jaune n’a pas varié sensiblement : à de certaines époques, notamment lors de la découverte des mines d’or de Californie, puis de celles d’Australie, l’or a perdu une légère fraction de sa valeur par rapport à l’argent ; mais ces variations, très profitables aux arbitragistes et aux changeurs qui les exploitaient et en faisaient le point de départ de mouvemens d’exportation ou d’importation de monnaies et de lingots, dans divers pays, n’atteignirent jamais une amplitude suffisante pour ébranler la confiance du public dans le maintien du double étalon. Ce nom désignait le régime en vertu duquel les monnaies d’or et d’argent circulaient parallèlement et indistinctement, avec pleine force libératoire, et pouvaient être frappées en quantités illimitées, pour compte des particuliers comme pour celui de l’Etat, dans les hôtels des monnaies nationaux. C’est ainsi que les choses se passaient en France, en Suisse, en Belgique, en Italie, en Grèce, pays qui avaient pour unité le franc et qui émettaient des monnaies identiques, comme poids et teneur, aux monnaies françaises.

Mais, après 1870, des changemens considérables se produisirent dans l’ordre monétaire aussi bien que dans l’ordre politique. En dépit de la grande augmentation de la production du métal jaune, ou peut-être à cause de cette augmentation, nombre d’économistes et de financiers inclinaient de plus en plus à l’adoption de l’or comme étalon unique. Il leur paraissait que ce régime, qui était depuis longtemps appliqué en