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la puissance financière qu’elle tient en réserve. Cette puissance s’exerce pour un but d’utilité publique : le dévouement à l’intérêt général est la caractéristique de la politique suivie par la Banque. La préoccupation de grossir les dividendes des actionnaires n’existe pour ainsi dire pas. Il serait cependant naturel que ceux-ci vissent leur part dans les bénéfices croître en raison de l’extension des affaires, de la création de sièges nouveaux libéralement répartis sur tout le territoire ; mais la plus grande partie en est employée à fortifier les réserves, à améliorer la situation du personnel, et à multiplier les facilités données à la clientèle pour l’escompte, les transferts et les viremens de fonds.

L’Etat et le public n’ont pas besoin d’être défendus contre la Banque, qui tient à honneur de ne se laisser guider que par les motifs les plus élevés, qui s’applique à maintenir un taux d’escompte extrêmement bas et stable et à donner ainsi à l’industrie et au commerce français des avantages inconnus dans les autres pays ; mais il faut défendre la Banque contre les agressions du Trésor, dont la situation empire depuis plusieurs années : au 26 janvier 1911, le ministère des Finances n’avait à son crédit à la Banque que 118 millions de francs, alors qu’il lui en devait 180, sans compter les 6 millions avancés à valoir sur le crédit ouvert à la suite des inondations de 1910.

Cette situation n’est pas accidentelle : elle s’aggrave lentement depuis un certain temps. Il ne faudrait pas croire qu’elle est due à l’époque de l’année, et au fait qu’à son début, le trésor aurait plus de dépenses à effectuer que de recettes à encaisser. Outre que celles-ci rentrent avec la plus grande régularité et ont présenté, au cours de l’exercice 1910, de très fortes plus-values sur les prévisions budgétaires, le Trésor dispose de ressources énormes qui lui sont fournies par la Dette flottante et qui dépassent, de beaucoup de centaines de millions, les sommes dont il pourrait avoir besoin pour effectuer ou même anticiper, ce qui n’est presque jamais le cas, les débours normaux d’un exercice. La vérité qu’il faut proclamer et qui est aussi peu connue de la plupart des membres du Parlement que du public, est que, depuis nombre d’années, des dépenses extrabudgétaires dévorent les ressources dont le Trésor dispose en dehors des crédits annuels inscrits à la loi de finances. Il a retours à des expédiens qui ont pour effet, non seulement