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l’avertissement du Times, malgré sa modération, reste grave (28 janvier 1911) :


… Quelle que soit l’issue actuelle de l’affaire, ses répercussions virtuelles sont immenses, et ne sauraient être exagérées. Il y a une disposition en Angleterre à considérer les questions douanières comme des mouvemens isolés, qui n’influent pas sur les relations internationales et impériales… Les conséquences immédiates du traité peuvent n’être pas grandes, mais le changement, au point de vue des principes, est profond… Le « continentalisme » devient, dans la formation des idées canadiennes, une force de jour en jour plus grande. Nous ne la considérons pas comme un facteur qui puisse, sinon détruire, du moins affaiblir la notion de l’Empire britannique. Mais ce n’en est pas moins un élément que les impérialistes anglais n’ont pas encore compris.


La Pall Mall Gazette essaie de faire de l’esprit. Mais son ironie est triste. Elle nous montre un jeune saumon, — le Canada, — qui profite de ce que sa mère, — l’Angleterre, — sommeille au fond de la rivière, pour courir, avec imprudence, à la poursuite d’un appât dangereux, une mouche volante aux couleurs américaines, lancée par un pécheur subtil.

Le Daily Mail se refuse à partager la tristesse et les inquiétudes du Times, de la Pall Mall Gazette et du Standard :


… Sans le Canada, il ne saurait y avoir de tarifs différentiels ; mais le coup porté à l’armature impériale n’est pas irréparable. La Fédération impériale ne repose pas uniquement sur des tarifs différentiels, ou tout autre système douanier. Elle est la résultante de forces ethniques, plus vigoureuses et plus durables que celles auxquelles peuvent donner naissance tous les traités de réciprocité. Les forces existent encore au Canada, et dans les Iles Britanniques. Notre devoir et notre intérêt nous commandent de les vivifier et de les diriger…


Si lord Northcliffe était tout à fait sincère, il ajouterait qu’il est trop heureux que le parti conservateur cesse de passer, aux yeux de l’électeur anglais, pour le défenseur « du pain cher. » Punch nous représente M. Balfour, versant quelques larmes correctes sur la tombe de la Tariff Reform ; mais ne parvenant pas à cacher, derrière son chapeau cravaté de crêpe, un large sourire de satisfaction. Quelques pages plus loin, l’Elan canadien converse avec l’Aigle américain, sur les débris du mur qu’ils viennent d’abattre d’un commun effort. Et, avant de regagner la forêt de sapins qui ferme l’horizon, l’Elan murmure avec un