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nationale. Le mot et le programme de « fédération impériale » leur inspirent une même répulsion.

C’est Québec qui a fait échouer le Kriegsverein. C’est Manitoba et Alberta qui brisent à jamais le Zollverein. M. Henri Bourassa a écrit une brochure pour approuver le traité de réciprocité qui empêche de resserrer le lien des tarifs différentiels. A Melville, le 22 juillet 1910, les mandataires de la Grain Growers’ Association ont protesté contre les armemens maritimes qui constituent une dépense inutile et un engagement dangereux. L’impérialisme britannique est un mot aussi vide de sens, pour le paysan de l’Est, que pour l’industriel de l’Ouest. Pas plus l’un que l’autre ils n’entendent sacrifier au rêve d’une unité irréalisable, ni une liberté, ni un homme, ni un soldat. Alliés peut-être, sujets jamais. Si les politiques d’outre-Manche veulent cultiver le loyalisme canadien, ils substitueront à l’idéal d’un monde anglo-saxon, cimenté à la romaine, celui de la collaboration, dans un cercle limité, sur le pied d’une stricte égalité, de nations autonomes, unies par des sentimens, par des souvenirs, par des intérêts. L’utopie de l’impérialisme fédéraliste disparaît devant ces possibilités d’une alliance impériale, restreinte et conditionnelle.

« On l’a dit avec vérité, s’écriait, il y a treize ans, devant un auditoire anglais, sir Wilfrid Laurier, le Canada est aujourd’hui une nation. » Il vient de le prouver, à la veille de la conférence inter-coloniale du 22 mai, trois mois avant les fêtes du couronnement, par une négociation décisive, qui complète son affranchissement progressif[1], termina une lutte de dix ans, et brise le dernier joug de l’Impérialisme.


JACQUES BARDOUX.

  1. Le 15 mars, les journaux anglais ont annoncé que le Canada entendait désormais n’être plus lié par les traités commerciaux conclus par la Grande-Bretagne, et accordant à des nations étrangères un régime de faveur.