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gardèrent le silence. Ils ne le rompirent que lorsque le prince, succédant à son frère, devint roi de France. On voit alors leurs réclamations se renouveler, se succéder des placets et des mémoires où sont rappelés les origines de la créance, les témoignages de dévouement prodigués par les Magon à la famille royale, les preuves qu’ils en avaient données et qui avaient coûté la vie à douze d’entre eux. Mais, on voit aussi le Roi faire la sourde oreille, tergiverser, se dérober, et le duc de Doudeauville, ministre de sa maison, alléguer, tout en reconnaissant la dette, « les difficultés dont il n’est pas le maître » qui en retardent le paiement. On dirait que Charles X a oublié les engagemens du Comte d’Artois. Finalement, on renvoya les réclamans au ministre des Finances qui ne leur répondit même pas. Quoique l’inefficacité de leurs réclamations eût été dénoncée à la tribune de la Chambre des députés, toutes leurs demandes restèrent sans résultat.

Lorsque la Révolution de 1830 renversa le trône de Charles X, ils n’étaient pas encore remboursés ; ils ne le furent qu’en 1832, à la suite d’un procès qui leur donna gain de cause en partie seulement. Le jugement rendu le 9 mars de cette année, considérant que le prêt de 1792 avait été fait non en francs, mais en livres, réduisait à 592,592 francs la somme qu’ils réclamaient. Quant aux intérêts, il les faisait courir du jour où l’action judiciaire avait été intentée, c’est-à-dire du 18 mai 1831. Il passait l’éponge sur ceux des quarante années précédentes. Ce jugement, oublié aujourd’hui, constitue l’épilogue de la conspiration Magon. Pour l’honneur de la mémoire de Charles X, on voudrait un autre dénouement à ces tragiques péripéties.


ERNEST DAUDET.