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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/691

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serviront à envoyer d’autres colons. Le transport en Amérique se fait, autant que possible, par famille ou par groupe de gens qui se connaissent. On embarque les hommes, en avant-garde, les femmes et enfans ne viennent qu’après. Les émigrans sont transportés sur des navires frétés spécialement par l’Armée du Salut, sous le contrôle de plusieurs officiers. Le général Booth a ouvert au Quartier général de Londres, no 101, rue Queen-Victoria, un bureau d’émigration chargé de procurer du travail et de faciliter le transport, même à des prolétaires non salutistes ; en quelques semaines, il transforma 10 000 de ses officiers en agens directs ou collaborateurs de ce service.

Les trois premières colonies de l’Armée du Salut furent fondées en 1898 et 1899, dans les Etats-Unis de l’Amérique du Nord, par le gendre de M. Booth, le commandant Booth-Tucker, avec le concours de la Chambre de commerce de San Francisco et de quelques riches particuliers. On avait choisi comme places Fort-Amity au Colorado ; Fort-Bomie en Californie et Fort-Herrick en Ohio. Le nom seul de « fort » indique qu’il s’agit de localités écartées en plein Far-West, exposées naguère aux attaques des Peaux-Rouges. Fort-Herrick, établie en 1898, sur un terrain concédé par le gouverneur de l’Etat d’Ohio, avec huit à neuf familles, n’avait d’abord pas réussi, faute d’irrigation. M. Booth-Tucker ne s’est pas laissé décourager par cet échec ; il a établi à Fort-Herrick une ferme pour l’élève de la volaille, qui donne de bons résultats et il projette d’y créer une colonie agricole pour de jeunes délinquans. Fort-Amity est située dans une localité de la vallée de l’Arkansas, près de la frontière de cet Etat et du Colorado ; elle dispose de 704 hectares de prairies vierges arrosées par ladite rivière. On y a transporté, en 1898, une cinquantaine de familles de Chicago, la plupart indigentes. Malgré la défection d’un tiers, qui n’a pu se faire à la vie rurale. le terrain a été mis en valeur. On y cultive des céréales et on y élève des chevaux et des bestiaux. Les maisonnettes abritent 275 colons dont l’avoir est évalué à 500 francs par tête. Ces colons sont pleins d’entrain et manifestèrent leur gratitude pour l’Armée du Salut en offrant un banquet à M. Bider-Haggard, lorsqu’il alla les voir, chargé d’une enquête par le gouvernement anglais. Comme à Hadley, il y a un grand bénéfice moral, mais une perte de 125 000 francs qu’il faut attribuer à ce qu’on a fait payer le terrain aux colons trop bon marché.