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était nécessaire, » M. Briand pensa devoir donner, et le donner sur notre dos, un nouveau coup de balancier, en précisant : « Un changement est nécessaire, mais dans un pays averti, avec des partis politiques préparés, de manière à éviter toute surprise ; » en accusant même : « Personne ne s’étonnera, je suppose, que le gouvernement de la République tienne en suspicion les impatiences fiévreuses de ceux qui ne s’intéressent à la réforme électorale que par l’espoir d’ébranler la République ; » et en menaçant, pour finir : « Nous n’avons pas à tenir compte de leurs sommations. »

Une semaine ou deux plus tard, non point par la volonté du gouvernement, mais parce que la Chambre l’avait « inscrite en tête de son ordre du jour, » s’ouvrit la discussion des propositions de loi, d’initiative parlementaire, tendant à instituer le scrutin de liste avec représentation proportionnelle. Le président du Conseil, qui s’était engagé à venir au rendez-vous, y vint en effet le 28 octobre. Il s’était engagé aussi à dire ce qu’il voulait et ce qu’il ne voulait pas. Il dit surtout ce qu’il ne voulait pas ; il ne voulait pas de réforme électorale, — aucune, — avant les élections de 1910 ; et il n’en voulait pas, en considération de ce qu’il voulait : une majorité, sa majorité. En cette formule violemment raccourcie, peut se résumer le discours entier de M. Briand, dont voici le leitmotiv : « J’admets que vous (les proportionnantes) ayez raison. Ce n’est pas à la fin d’une législature… etc. » On devine si cette musique devait plaire à ceux qui tremblaient déjà de comparaître dans six mois devant leurs juges et qui, ayant préparé leurs moyens, redoutaient qu’au dernier moment on leur changeât leur tribunal ! Néanmoins, et malgré ce discours où il déploya toutes les caresses de sa voix au service de toutes les ressources de son art, quand on vota le 8 novembre, pour clore un débat mémorable, le scrutin de liste fut d’abord adopté par 379 voix contre 142, la représentation proportionnelle le fut ensuite par 281 voix contre 235. Un pas de plus, et c’était fait. Si la Chambre, qui venait d’adopter séparément le scrutin de liste et la représentation proportionnelle, les adoptait l’un et l’autre, au vote sur l’ensemble de l’article, la réforme électorale était faite, à moins qu’on ne réussît à la faire chavirer sur une disposition de détail ; mais le préjugé en sa faveur était solidement et peut-être définitivement créé. M. Briand, je le crois sans peine, ou plutôt je le sais de source