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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/859

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était, comme on le pense, de ceux-là : « L’orchestré joue pianissimo ; les instrumens à cordes sont en sourdine, deux harpes jettent des sons harmoniques, un timbre se fait entendre par intervalles. Rien n’est plus vaporeux et plus fantastique ; il semble que l’on se promène au clair de lune dans une prairie féerique, et que l’on entende bourdonner les sylphes dans les cloches de cristal des volubilis ; c’est une musique tout à fait en dehors de nos idées et de notre sphère. » Si Alfred de Vigny avait eu, comme Théophile Gautier, à sa disposition un feuilleton de journal où traduire ses impressions, on y retrouverait, sous d’autres mots, la même ardeur de sympathie.

L’année 1840 est remplie, pour Berlioz, par la production de sa Symphonie funèbre et triomphale, qu’entendit, le 28 juillet, et qu’admira Richard Wagner, puis par le travail de restauration du Freyschütz. L’année 1841 est occupée par des projets plus encore que par des ouvrages et elle est déjà traversée par la passion pour Marie Récio, cette chanteuse sans talent dont Berlioz ne pourra plus se délier et qui deviendra sa femme après la mort d’Henriette Smithson. La longue, et d’abord infructueuse, puis plus heureuse période des voyages à l’étranger commence, cette année même, et, avec elle, un trop long temps de stérilité relative. Ce serait un devoir d’y insister, pour celui qui voudrait tracer une monographie du musicien. Mais je n’ai pas cette ambition, et l’on me saura gré de demeurer, autant que faire se pourra, dans les bornes de mon sujet.

Entre deux absences, Berlioz retrouve Vigny et ne cesse pas d’éprouver, en le revoyant, la joie qu’il exprimait dans ses anciennes lettres. On se rappelle celle qu’il adressait à Liszt au mois de mai 1833. Depuis ce moment-là, que de billets se sont perdus ! En voici un, non daté, mais qui ne peut pas être antérieur à 1839. Il nous apprend que Berlioz fut tout heureux et un peu fier de mettre Alfred de Vigny en relations avec ses deux sœurs lorsqu’elles vinrent à Paris, d’abord avec la cadette Adèle, que son voyage de noces y amena vers la fin de mai 1839, et ensuite avec Nancy, la sœur aînée :

« Mon cher de Vigny, voulez-vous venir prendre une tasse de thé chez moi jeudi soir ? Je Vous ai présenté ma jeune sœur, c’est le tour de ma sœur aînée maintenant ; et j’espère que vous ne vous déroberez pas à son admiration. Mille amitiés.

H. BERLIOZ. »