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jusqu’ici à l’histoire militaire et diplomatique, afin de ménager une place aux questions autrefois négligées. On ne s’est pas contenté d’élargir l’horizon, on a voulu changer de point de vue, ce qui a donné de nouveaux effets de perspective. C’est ce qui explique la part restreinte laissée aux époques dont la nôtre n’a rien hérité ou n’a hérité que peu de chose. Un seul volume est accordé aux deux premières dynasties, sous ce titre : le Christianisme, les Barbares, Mérovingiens et Carolingiens, alors que Louis XIV en a trois et Louis XVI un pour lui tout seul, encore que son règne s’arrête au seuil de la Révolution. Le cartésianisme tient plus de place que le règne de Clovis. Cette répartition des matières et des volumes ne répond pas aux règles classiques de la représentation proportionnelle : elle est inspirée par le dessein de ne pas mettre sur le même rang les événemens qui n’ont rien produit de durable et ceux dont les suites influent encore sur le monde moderne. On n’est pas forcé d’accepter ce critérium, mais il est difficile, si on l’adopte, de suivre un plan très différent de celui qu’a choisi M. Lavisse.

Ce plan n’est pas chronologique et ne pouvait pas l’être. La chronologie a l’ossature rebelle, elle se prête mal aux tableaux d’ensemble. Elle n’entre pas dans les cadres, elle coupe le fil des idées. M. Lavisse a été fatalement amené à préférer un plan logique. Il procède par questions plutôt que par périodes. Au lieu de tailler par tranches la suite des événemens, il découpe en tranches l’évolution politique, sociale et nationale. C’est plus suggestif et plus magistral, mais c’est moins commode et moins objectif. C’est moins commode, car il y a des faits qu’on ne sait trop où ranger, et il y en a d’autres qui se représentent sous différentes rubriques parce qu’on a à les envisager sous différentes faces. La Révocation de l’Édit de Nantes, pour reprendre l’exemple déjà cité, trouvera sa place naturelle dans les affaires religieuses, mais il faudra bien aussi la signaler comme une des causes de la dépopulation, de la crise économique, et de la formation de la Ligue d’Augsbourg. Il en résulte des répétitions, parfois des oublis et une impression de flottement. En outre, l’ordre logique comporte une dose d’arbitraire que l’ordre chronologique ne permet pas. La logique de Bossuet n’est pas celle de Michelet, tandis que la chronologie s’impose à tous deux.

Nous n’avons rien dissimulé des difficultés que M. Lavisse