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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/899

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l’organisation de sociétés de gymnastique « où l’entraînement physique et l’usage d’armes primitives étaient enseignés pour exciter les instincts guerriers des jeunes générations. » Le caractère anti-britannique de cette propagande était en outre accentué par le développement d’un réveil religieux tout à fait inattendu. Tilak avait mis sa tentative sous la protection de Ganesh, la divinité la plus populaire de l’Inde ; dans tous les centres du Deccan, il multipliait les Gânpati célébrations, prétextes à festivals annuels, agrémentées de représentations théâtrales et de chants où les légendes mythologiques étaient habilement exploitées pour exalter la haine des étrangers et des Musulmans. Ces fêtes donnaient aux sociétés de Ganpati, aux groupes de gymnastes qui devaient être plus tard les fameux « Volontaires nationaux, » l’occasion de se connaître et de se compter. Elles favorisaient aussi les processions tumultueuses « trop bien calculées pour provoquer des rixes avec les Musulmans et la police, rixes dont les dénouemens judiciaires se transformaient en procès retentissans. »

Il était désormais facile de donner à cette union religieuse un principe directeur qui plairait aux instincts belliqueux des Mahrattes. Or, le souvenir de Shivaji, le héros de l’indépendance du Deccan, était toujours vivace dans le Maharashtra. Tilak eut l’art de l’adapter aux circonstances actuelles pour déclencher une grande propagande « nationale » qui atteignit son maximum d’intensité en 1895, aux fêtes données pour le centenaire de Shivaji dans tous les centres brahmaniques du Deccan. Dans l’éblouissement de cette apothéose, Tilak apparut à tous comme le chef désigné de la nation. Le résultat de sa propagande au Conseil législatif de Bombay, auprès des étudians et du prolétariat ouvrier, pendant la famine et la peste de 1885 et de 1895, se manifesta par des attentats dont la fréquence était de mauvais augure, mais qui laissèrent l’autorité indifférente jusqu’à l’assassinat de Hand et d’Ayerst à Poona. Les meurtriers furent condamnés à mort, et Tilak, poursuivi pour complicité morale, fut puni d’emprisonnement mais relâché avant la fin de sa peine, contre certains engagemens qu’il se hâta d’oublier après sa libération.

Cette faiblesse du gouvernement augmenta la gloire de Tilak, que le Deccan salua comme un héros. D’ailleurs, sa renommée avait franchi depuis longtemps les limites du pays mahratte. Au