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de l’autorité. L’organisation de conseils élus, dont les membres se partagent les responsabilités et les profits du pouvoir, nécessaire dans l’Inde, serait chez nous inutile et prématurée. Dans ce rôle de conseiller, l’Annamite n’aurait pas son libre arbitre. Il serait toujours dominé par son esprit de soumission au gouvernement. On peut en faire l’observation pendant les séances du Conseil colonial de Cochinchine où les membres indigènes, sauf quelques honorables exceptions, montrent bien qu’une expérience de vingt-cinq ans ne les a pas encore préparés au régime parlementaire. D’ailleurs, l’application du système électoral aux nominations des chefs de canton, des conseillers d’arrondissement et des conseillers coloniaux n’a pas produit, dans notre colonie, des résultats qu’il serait sage de généraliser.

La création d’assemblées où l’élément autochtone aurait le droit de critique et de discussion serait jugée, dans les pays encore soumis au régime du protectorat, comme une atteinte regrettable au principe même de l’autorité. Celle du roi, père et mère de ses sujets, est déjà trop réduite par nos empiétemens successifs pour que les Annamites nous soient reconnaissais de ce qui leur paraîtrait être une diminution nouvelle. Il ne reste plus grand’chose, en effet, des pouvoirs royaux tels qu’ils ont été définis par le traité de Hué. Nous sommes peu à peu arrivés à détacher administrativement le Tonkin de l’Annam où le souverain ne conserve plus qu’une apparence d’autorité. Quand Thanh Taï fut déposé, dans les conditions que l’on sait, on songea même à profiter de l’occasion pour supprimer tout à fait la fiction royale et décréter l’annexion complète de l’Etat protégé. Mais l’opération s’annonça si grosse de conséquences que le projet ne fut pas exécuté. Le loyalisme monarchique de la population s’était affirmé trop nettement pour être dédaigné. D’ailleurs, les Annamites avaient apprécié la folie du roi comme un châtiment du ciel, une juste conséquence de ses violations des rites et de ses scandaleuses exhibitions de Saigon et de Hanoï. Cependant la sage application du protectorat, dont nous avons en Tunisie un exemple convaincant, faciliterait notre tâche en ôtant au nationalisme indigène les motifs de subsister. Il faudrait, tout d’abord, que nos « éducations de princes » ne fussent plus dirigées par une pédagogie d’opérette. Les innovations administratives, les exigences fiscales qui sont indispensables pour la régénération de l’Indochine seraient