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humaines et l’anéantissement d’un certain matériel. Tout se paye à la guerre. Mais peu importe, si, l’accès une fois assuré, l’envahisseur peut y faire, librement désormais, aboutir des convois, débarquer des troupes ; s’il peut se fixer sur une position qui lui servira de base et d’où les plus grands efforts réussiront seuls à le déloger. Contre cette menace, nous ne saurions compter infailliblement sur la défensive spéciale ni des flottilles en mer, ni des forts à terre.

Il reste donc des plages où les débarquemens de vive force demeureront possibles, et ne trouveront obstacle que dans les forces mobiles de la défense terrestre. Or la puissance de l’artillerie navale est telle que, dans le cercle où elle peut faire converger ses feux, elle doit balayer le terrain et faire place nette pour les premiers effectifs mis à terre. Une armée navale de demain sera capable de présenter inopinément devant une plage 300 à 400 gros canons, accompagnés d’un millier de moyens et de petits. A terre, un corps d’armée ne possède que de 90 à 120 bouches à feu : on ne groupe un millier de canons de campagne, qui sont de la petite artillerie, que lorsqu’on réunit quelque 400 000 hommes. Dans l’arrière-pays, les assaillans se heurteront, il est vrai, aux troupes de l’adversaire, accrues d’heure en heure et de jour en jour par l’apport des voies ferrées de l’intérieur. Il est essentiel, pour réussir, que les envahisseurs demeurent assurés de leurs communications permanentes par mer avec leurs bases nationales ; et il faut qu’à eux aussi arrivent constamment des renforts équivalens à ceux de l’ennemi.

Le problème de l’invasion par mer dépend ainsi des capacités de transport des marines nationales. L’exemple le plus instructif à cet égard serait celui de la guerre de Mandchourie. Les détails n’en ont pas encore été publiés. Nous en connaissons néanmoins les grands traits.

D’après l’expérience antérieure de l’expédition sud-africaine, les navires de commerce, qui sont les instrumens nécessaires de tout débarquement important, peuvent recevoir, pour un long voyage, en moyenne environ 200 hommes par 1 000 tonneaux.

Le Japon, au commencement de 1904, avait rappelé toute sa marine marchande et supprimé tous les services réguliers de paquebots. Il disposait de 870 long-courriers représentant un