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maîtresse de la grande île en dépit d’Hamilcar, il lui faut une première fois anéantir la flotte carthaginoise en 256 à Ecnome, la plus grande bataille navale qu’eût encore vue la Méditerranée, puis achever son triomphe aux îles Ægates en 241. A dater de ce jour, le sort de Carthage est fixé. Privé de la mer, Annibal doit user ses troupes aux longs circuits par l’Espagne et la Gaule, les épuiser en Italie sans espoir de renforts. Pendant ce temps Scipion avait tout loisir de jeter du premier bond une armée aux portes de Carthage. Il apparaît ici que le rôle de la marine, s’il est un rôle auxiliaire, est loin d’être un rôle subordonné.

On le verrait ailleurs : en Grèce, où la puissance du grand roi ne vint se briser qu’à Salamine et où la supériorité navale fit changer avec elle le destin de la guerre du Péloponèse ; en Orient, où Actium, Lépante et Navarin marquent de grandes dates décisives ; dans notre histoire, dont la guerre de Cent ans et les expéditions d’Italie ne se comprennent qu’à la lumière des faits maritimes ; à l’origine des Etats-Unis et dans leur guerre de Sécession, etc.

Mais où pourrions-nous le lire plus clairement que dans ce grand drame napoléonien dont nous connaissons tous les traits ? S’épuisant à frapper des coups inutiles puisqu’ils n’atteignaient pas l’Angleterre, Napoléon était condamné depuis Trafalgar. Le dénouement, qui s’achève à Waterloo, avait commencé en Espagne. Et c’est là, où la prise de la mer sur la terre se montre sous sa forme caractéristique, qu’il faut chercher la raison des événemens ultérieurs. L’Espagne, le Portugal, ne sont à vrai dire qu’un champ clos. Les deux forces qui s’y affrontent viennent du dehors : l’une de France, force uniquement terrestre, c’est-à-dire incomplète ; l’autre d’Angleterre, force complète, comprenant une marine et assurée par elle de ses communications. La première fait reculer la seconde jusqu’au rivage ou peu s’en faut ; mais en touchant la mer, comme autrefois Antée en touchant le sol, la puissance anglaise à chaque fois reprend sa force et son élan. Dans ces lignes de Torrès Vedras où la mer seule l’approvisionne et l’adosse, Wellington brave tous les généraux français, et c’est là que le nouvel Empire est frappé à mort.

Après cet exemple, après celui tout récent de Tsoushima, nous serions aveugles de ne pas voir la liaison des armes en dépit des élémens divers. A titre d’indication, permettant de