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FOYER DE THÉÂTRES

I
LA COMÉDIE-FRANÇAISE


I.

On a dit que l’Académie Française est le premier salon de France : rien de plus vrai ; ce salon, aux avantages de l’esprit, du talent, et de l’éloquence, au prestige de la courtoisie, joint le privilège de l’ancienneté : lui seul existe depuis deux cent soixante-seize ans. Sous ce vocable de salons, je suis tenté de placer les foyers des artistes dans les théâtres. La société qu’on y rencontre semble plus mêlée sans doute, moins affinée que celle de l’Académie ou des salons proprement dits ; leurs habitans ordinaires, comédiens, auteurs, vieux habitués, commettent parfois de lourdes fautes de goût. Mais ils possèdent une qualité précieuse entre toutes : la vie. Rien ne leur est étranger : ils agitent ou effleurent tous les problèmes, et l’écho des passions politiques elles-mêmes y répond aux pures vibrations de l’idéal. Amour, musique, drame, gloire et gloriole, vanités, jalousies, succès de la journée et de l’acte qu’on vient de jouer, passent, repassent dans la causerie. Là, tous les grands sujets ont été causés, peut-être avec plus de franchise qu’ailleurs, avec moins de souci d’offenser les rites et les étiquettes. Les indigens de la pensée y font des remontes d’idées, les millionnaires s’enrichissent par des visions soudaines qui découvrent la scène à faire, le dénouement du roman projeté ; un mot, comme un