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Il conte agréablement, et nous sert mainte anecdote : « Aux Français, une fois, au Verre d’eau, j’avais devant moi deux femmes que je ne connaissais point, et qui ne se connaissaient pas non plus. Après le troisième acte, l’une dit à l’autre : « Quelle belle pièce ! — Oui, Mlle Plessy est joliment jolie, et celui qui fait le ministre est joliment bon ! — Oui, Bolingbroke… Vous trouvez, n’est-ce pas ? — Oh ! oui, comme il envoie bien tout cela ! — Oui. Eh bien ! savez-vous ce qu’il a mangé à dîner ?… Du veau aux petits pois… C’est moi qui suis sa cuisinière. »

Un autre écho du foyer. Agé de vingt ans à peine, et ayant déjà son franc parler, du moins dans son Journal, Got cite avec délices un jugement dédaigneux sur celui qu’il appelle : le bellâtre M. Brindeau. « Après avoir joué tellement quellement quatre ou cinq fois, il demande tout net une dernière épreuve pour être sociétaire. Or c’est le Chevalier à la mode qu’il a choisi. Et à ce propos, un des vieux amateurs qui, comme le baron de Lamothe-Langon, assidus aux représentations, me témoignent personnellement une très aimable bienveillance, et me font volontiers asseoir à côté d’eux, M. le marquis de Sainte-Aulaire, l’académicien, l’ex-ambassadeur à Londres, me dit, après le troisième acte, du haut de sa tête, en levant le siège : « Ça, le Chevalier à la mode ! Le bœuf à la mode ! » On répète une pièce d’A. Dumas père, la Fille du régent, qui fut sifflée très bien. Après six semaines, l’auteur se décide enfin à assister à une répétition. « Et comme sa personnalité gouailleuse et crépue éclate dans notre pénombre à demi-officielle. « Diable ! diable ! Mon cher Fonta, s’écriait-il du fond de l’orchestre, en interrompant une scène ; c’est froid comme glace. Je vous allumerai pour la première fois une veilleuse dans votre culotte. » Et, après la répétition, devant tout le monde, à Mme de Seigneville, complaisante ordinaire de Mmes X… et Z… : « Mille grâces pour vos conseils, ma chère, mais ne parlons pas théâtre. Si vous voulez, parlons… amour. » J’ai changé le dernier mot.

Avant 1848, Augustine Brohan donna des soirées de causerie dans sa loge qui se composait de deux pièces : un buffet de Cocagne ou de Gamache soutenait le corps, après que l’esprit avait festoyé. Et il y eut aussi des bals au foyer, un pianiste composant tout l’orchestre, portraits, statues, costumes, gestes et paroles faisant une précieuse harmonie. « On commençait