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Ainsi l’homme a conçu son premier dieu, le Maître,
Si grand qu’il ne sait plus en lui se reconnaître,
Et qu’il rêve à présent de détrôner le dieu
En lui volant sa joie et sa gloire : le Feu.


III


Or, un de ces humains qui rampent sur la terre,
Obscurs, perdus sous les menaces du mystère.
S’est dit un soir :

— « Les dieux vivent dans ce qui luit ;
Ce qui luit, chauffe ; et nous, nous tremblons dans la nuit ;
J’irai ; je gravirai la plus haute montagne ;
J’atteindrai ce croissant qu’une étoile accompagne ;
J’entrerai chez les dieux et, pendant leur sommeil,
Peut-être ravirai-je un peu de leur soleil !
Puis je redescendrai, rapportant à nos femmes,
Pour nos petits enfans, le principe des flammes,
Et peut-être qu’un jour, à notre volonté,
Nous tiendrons dans nos mains la foudre, — la clarté !
Et la misère humaine alors sera finie. »

Ainsi rêvait, au cœur d’un homme, le génie.

Alors, ce Prométhée, obscurément divin,
Seul actif parmi ceux qui gémissaient en vain,
Arrachant un roseau bien mûr au marécage :
— « J’en ferai, se dit-il, mon bâton de voyage,
Et quand j’aurai volé la flamme aux dieux heureux,
J’en mettrai l’étincelle au fond du roseau creux,
Et nous aurons à nous cette chose immortelle
Et les astres futurs qui pourront naître d’elle. »