Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou à un autre port de mer où elle aurait été en sécurité ; — cela s’est déjà fait, et l’exécution en est d’autant plus facile que la colonie étrangère se compose d’une quarantaine de personnes ; — on se serait épargné par-là les inquiétudes, ou du moins une partie des inquiétudes qui nous ont assailli. Ils serait resté, à la vérité, notre mission militaire, mais il faut nous habituer à l’idée que des soldats courent quelques dangers en temps de guerre et ne pas y voir pour nous des obligations impérieuses de modifier toute notre politique, quand nous en avons une. Le colonel Mangin a été mis à la disposition du Sultan ; il en a été de même du commandant Brémond, qui a supporté victorieusement les assauts dont il a été l’objet dans la position qu’il occupe à trente-cinq kilomètres au nord-ouest de Fez. Nous avons raison de prêter des instructeurs au Sultan ; notre rôle est de l’aider discrètement, par des moyens financiers et militaires, à se tirer d’affaire lui-même dans l’état critique où il se trouve ; mais il faut éviter soigneusement de mêler nos troupes aux siennes et de devenir ses sauveurs aux yeux de ses sujets. Nous avons perdu l’ancien sultan en étendant sur lui une protection trop ostensible : c’est une politique à ne pas recommencer. Tels sont les principes auxquels nous devons nous tenir. Sans doute les circonstances peuvent exercer sur nous une contrainte imprévue ; les règles absolument rigides ne sont pas de mise dans une situation aussi complexe ; mais si on s’en écarte exceptionnellement et provisoirement, ce doit être pour y revenir le plus tôt possible. Nous souhaitons vivement que le commandant Brémond puisse être ravitaillé et marcher sur Fez à la tête de troupes makzeniennes ; nous souhaitons que la méhalla formée dans la Chaouïa marche aussi sur la capitale et suffise à la débloquer. Quant à aller à Fez nous-mêmes, gardons-nous de cette aventure dont les suites sont difficiles à prévoir et à calculer. Mais notre gouvernement saura-t-il y échapper ?


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.