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Inconsciemment encore, il parle un langage absolument luthérien, lorsque, quelquefois, oubliant son soumissionisme et son subordinationisme catholique, il verse proprement dans le sens propre. Benedetto, qui est « le Saint » et qui est l’auteur, ne nous conseille pas, comme Fénelon, d’être « le petit enfant » dans le giron et dans les bras de l’Église ; il nous conseille de « nous replier sur nous-même pour nous y entretenir intimement avec le Seigneur dont la présence y est sensible. » Il nous conseille de nous fier individuellement à notre foi individuelle. Il nous dit en propres termes : « Si vous vous êtes adressés à moi, c’est que vous saviez d’une façon inconsciente que l’Église n’est pas la hiérarchie seule, qu’elle est l’universelle assemblée des fidèles… Vous le saviez d’une façon inconsciente ; car, si ce n’eût pas été d’une façon inconsciente, vous n’auriez pas dit : l’Église contrecarre ceci, l’Église étouffe cela ; l’Église est en train de dépérir ; l’Église a le Christ sur les lèvres et ne l’a pas dans le cœur… Du fond de tout cœur chrétien peut jaillir l’eau vive de la source même, de la vérité même. » — Nous voilà ici en plein sens propre, en pleine pensée luthérienne.

Il va plus loin et, à quoi n’a pas pu penser Luther, il veut, tout préoccupé de Darwinisme, accommoder, je ne veux pas dire, quoique j’y songe, assujettir l’Église à la science, il veut une Église qui évolue sans cesse et, de ce qu’il a cru prouver que la Genèse est en pleine concordance avec l’Evolution, il va à conclure que, suivant le même mouvement, l’Église doit évoluer avec la Science et avec l’Humanité conduite par la Science. Un plaisant dirait : « Puisque la Science a prouvé que la Genèse était d’accord avec la doctrine évolutionniste, M. Fogazzaro pense que l’Église doit rendre à la Science sa politesse en se conformant à la Science. » Ne soyons pas si plaisant et disons simplement qu’une conciliation entre l’Église et la Science et un progressisme continu de l’Église en accord avec la Science ou du moins en considération de la Science, a été le rêve éternel de Fogazzaro, également passionné pour l’Église, passionné pour la Science et passionné pour le progrès.

Ecoutez-le, ayant lu un livre de philosophie religieuse et de philosophie scientifique de l’Américain Joseph Le Conte : « Je me rappelle encore avec quelle émotion et quelle surprise, tout jeune encore, j’ai senti que… il n’y avait pas antagonisme entre